Parents en souffrance
Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies…
René CLEMENT, Editions Stock, 1993, 334 p.
René Clément nous propose ici une réflexion sur la question brûlante l'enfance en souffrance, sous un angle ai qui prend à rebrousse-poil bien des habitudes de pensée et interroge des pratiques en apparence rodées et au point.
Axe essentiel de sa démonstration, l’auteur plaide pour une étude du problème qui sache faire la part de la réaction émotionnelle incontrôlée que déclenche légitimement, chez tout adulte la maltraitance des enfants.
Savoir être parent n'a rien de naturel. D’ailleurs, jusqu'au XVIIe siècle, la famille n’avait pas le plus souvent, de fonction affective. S'il ne s'agit pas ici d’exonérer les adultes responsables de traitements inhumains, ce qui compte, c’est bien de se poser la question du pourquoi et de s’interroger sur les raisons de la reproduction transgénérationnelle du phénomène. Car, souvent, les ^parents maltraitants d’aujourd’hui ont été les enfants maltraités d’hier. René Clément nous plonge dans le drame que représente la dysparentalité, tant pour les enfants que pour les parents.
En fait, il n'y a ni pathologie-type ni profil déterminé du parent maltraitant lui se retrouve dans tous les milieux.
L'enfant peut être le ciment de la vie du couple et la réussite compensatrice de souffrances passées. Mais il arrive qu'à la naissance, loin de permettre le processus d'identification positive de 'adulte, l'enfant va raviver en lui des manques et réveiller des conflits latents qu'il va payer très cher.
A ce stade, il est fondamental de ne pas confondre les parents carentiels avec leurs symptômes ni de les identifier avec leurs passages à l'acte.
Or, l'action sociale, après une longue tradition faite de remplacement/substitution et de disqualification/exclusion le la famille naturelle, a vu le mouvement de balancier inverser la vapeur dans l'excès inverse : "hors de la famille, point de salut". Cela a provoqué chez es intervenants le basculement de la bonne conscience à une phase dominée par le doute et l'inhibition.
L'auteur part des besoins de l'enfant : nécessité de la proximité affective garantissant la sécurité, articulée néanmoins avec l'indispensable prise de distance et différenciation.
La famille répond à ces besoins, jouant un rôle d'humanisation fondamental en inscrivant l'enfant dans une généalogie, en lui apportant la confirmation affective qu'il compte pour l'autre à l'interface de l'individuel et du collectif.
En cas de défaillance partielle ou totale dans cette tâche, les adultes-ressources ont pour rôle de relayer cette tâche humanisante. C'est là que peuvent intervenir les travailleurs sociaux en tant qu'agents tutélaires et référents: leur tache n'est pas alors tant de protéger l'enfant que de lui permettre de grandir en apprenant à se protéger lui-même !
La prévention a un rôle indéniable à jouer, mais n'est pas là pour éviter miraculeusement ce qui n'est pas parfois évitable. La séparation peut trouver sa place dans ce processus, même si elle est toujours d'un maniement difficile et ne doit pas être banalisée.
Comment ne pas se tromper en plaçant trop tard ou inutilement ? Il n'y a certes pas de recette miracle. Mais c'est sûrement en n'hésitant pas à mettre en mots leurs désarrois, émotions et sentiments, que l'inévitable part d'arbitraire de leur intervention deviendra identifiable et qu'ainsi les travailleurs sociaux pourront contrôler leur subjectivité et l'articuler avec leur savoir-faire professionnel.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°264 ■ 09/06/1994