Parents, à quoi ça sert
Sous la direction de Daniel COUM, érès, 2001, 184 p.
Les pratiques se multiplient qui visent à aider les parents. Mais on ne s’interroge pas si souvent sur les représentations, les présupposés et les théories implicites qui les animent. C’est ce que propose cet ouvrage qui, d’emblée, se détourne des deux conceptions courantes qui perçoivent la parentalité dans une dimension sentimentaliste (fondant ainsi le lien familial sur l’élection affective de l’autre) ou dans une vision plus moraliste (assenant alors une définition définitive de la bonne manière d’être parent). La première question évoquée concerne l’illusion d’un temps béni, d’un avant mythique où la parentalité s’exerçait sans problème. Or, l’histoire a gardé les traces tant dans l’antiquité qu’au début du moyen âge ou au sein même de la monarchie absolue de périodes de doute. La révolution française en est le point culminant quand elle introduit la nécessité d’aimer l’enfant pour lui-même. C’est le bon ordre de la société qui impose alors la pertinence d’avoir un père aimant. « La loi ne reconnaît plus, de la part des pères et mères, que la protection envers leurs enfants : la puissance paternelle est abolie » proclame même Bélier en, février 1793. Deux siècles après, la réforme du droit de la famille n’osera pas franchir le pas de remplacer l’autorité parentale par la responsabilité parentale, pour ne pas rajouter au désarroi des parents. Seuls nos cousins belges oseront substituer à la vieille formule de l’honneur et du respect dus aux parents, un devoir réciproque entre les uns et les autres. Mais, la proclamation de l’égalité fondamentale des personnes ne risque-t-elle pas de faire disparaître la dissymétrie des places généalogiques ? Le rapport entre parent et enfant n’est en aucun cas symétrique : le premier donne au second, sans attendre que celui-ci ne lui rende. Quand il agit ainsi, il ne remplit pas son devoir, mais rembourse sa dette à la société qui l’a fait advenir ce qu’il est. Car, la responsabilité parentale se situe, pour l’essentiel, dans l’introduction de l’enfant à l’ordre de l’altérité : l’adulte est médiateur de son rapport au social. Autre conviction forte développée dans le livre : la relativité et l’arbitrarité des usages parentaux : « Il y a autant de manières d’assumer la parentalité qu’il y a de sociétés différentes, à travers l’espace géographique, à travers l’histoire ou à travers les couches sociales » (p.84). Cantonner la mère au registre nourricier et réserver au père la loi symbolique n’a guère plus de justification qu’historique, les deux fonctions protectrice et séparatrice n’ayant pas forcément de rapport direct avec le sexe du parent. En fait, quand le bébé vient au monde, il y a trois naissances : celui de l’enfant, mais aussi celui d’un papa et d’une maman. C’est tout un processus psycho affectif qui se met en œuvre, commençant dans le désir d’enfant, se continuant lors de la maternité de la mère et se prolongeant dans les années qui suivent.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°609 ■ 14/02/2002