Mère épuisée

ALLENOU Stéphanie, Ed. Les liens qui libèrent, 2011, 220 p.

Stéphanie Allenou est éducatrice spécialisée. Après avoir eu son premier enfant, elle a fait le choix de reprendre son travail à mi-temps. Quand sa seconde grossesse s’est annoncée, elle s’en est réjoui avec son mari : ils ont toujours imaginé avoir une grande famille. Quand l’échographie révèle qu’elle attend des jumeaux, c’est la surprise et un peu l’inquiétude. Le couple fait néanmoins face, envisageant un congé parental pour la maman. Le premier tiers du récit de Stéphanie Allenou retrace un cheminement assez classique, avec des réflexions propres aux préoccupations de jeunes parents. Là, où cela commence vraiment à se gâter, c’est au moment de la naissance. Faisant preuve de beaucoup de courage et d’honnêteté, l’auteur nous décrit comment le bonheur d’être maman va se mêler intimement au sentiment de plus en plus prégnant de vivre un véritable enfer. C’est que gérer trois enfants en bas âge est loin d’une sinécure. Même si l’on s’en doutait avant d’ouvrir l’ouvrage, il n’est pas inutile de le rappeler. La description concrète qui nous en est faite ici est des plus explicite. Préparer les biberons, changer les nourrissons, les sortir, les rentrer, les surveiller quand ils commencent à ramper ou à marcher, multipliant les bêtises, s’occuper des lessives, étendre le linge, surveiller leur santé … La journée est épuisante. Mais la nuit ne l’est pas moins. Car, les bébés se réveillent à tour de rôle plusieurs fois dans la nuit. Ne pas réagir à leurs pleurs, c’est prendre le risque que les deux autres se réveillent et se mettent à leur tour à pleurer à l’unisson. « Je vais devenir dingue ! J’ai l’impression de devoir canaliser un troupeau de petits démons ». En théorie, les enfants obéissent, quand on leur pose des limites. En pratique, cela ne marche pas toujours. La preuve ! Et les commentaires des donneurs de leçons n’arrangent rien. Exaspérée, cette maman le reconnaît : elle s’est mise à haïr ses enfants. Épuisée, elle l’avoue, elle a commencé à adopter des réponses maltraitantes. Désespérée, elle l’admet, elle a pensé abandonner ses enfants, pour partir très loin et réussir enfin à dormir. Quand elle travaillait, elle appréciait tout particulièrement de pouvoir se poser ou d’être relayée, face à un enfant la mettant en difficulté. En tant que mère, elle n’a retrouvé ni le même soutien, ni la même possibilité de souffler, ni l’opportunité de se faire suppléer. Aujourd’hui, la période la plus dure est passée. Ses enfants ont grandi. Elle a retrouvé sa sérénité. Mais, elle n’a rien oublié. Se sentant incapable de reprendre son travail, elle a décidé de se lancer dans toute une série de projets à destination des familles vivant les mêmes galères. L’ouvrage qu’elle nous propose en fait partie, témoignage pour que plus jamais, on puisse ignorer le burn-out maternel.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1022 ■ 16/06/2011