L’enfant face à la séparation des parents. Une solution, la résidence alternée
NEYRAND Gérard, La Découverte, 2009, 266 p.
Publié en 1994, l’ouvrage de Gérard Neyrand n’a cessé d’être réédité, en 2001, 2004 et 2009. Et pour cause : c’est la seule étude sociologique existante sur l’application de la résidence alternée. Le point de vue des parents et celui des juges des affaires familiales y sont largement développés. Si les premiers expriment une satisfaction quasiment unanime, les seconds manifestent majoritairement leur hostilité. Logique, puisque leur avis a été recueilli à une époque où cette solution n’était pas légale. Il a fallu attendre 2002, pour qu’elle le devienne. Aujourd’hui, la législation s’étant alignée sur l’évolution des mœurs, on évalue à 10%, les couples parentaux séparés ayant recours sur décision judiciaire à la double résidence pour leurs enfants ; 10 autre % l’organisant à titre privé, sans que cela passe par le JAF. Les critiques sont connues : l’enfant aurait besoin pour son équilibre psychique et son développement d’une stabilité, d’une sécurité et d’une continuité dans son lieu de résidence. Ce diagnostic a été initié par un certain nombre de spécialistes de l’enfance, François Dolto en tête, dans la pure tradition généraliste, définitive et absolue, au mépris du constat de ce qui se vit concrètement. Gérard Neyrand se garde bien de faire de cette solution une recette miracle ou un passage obligé : « si la résidence alternée peut être recommandée dans beaucoup de situations, elle ne doit pas l’être dans tous les cas » (p.245). Certes, l’application de cette modalité provoque parfois des situations dramatiques pour l’enfant. Mais, de la même façon que les dérives graves se déroulant au sein de la famille conjugale ne peuvent avoir pour conséquence de condamner en général l’éducation donnée par le couple, les effets pervers intervenant parfois du fait de la résidence alternée ne sauraient remettre en cause l’application globale de ce dispositif. S’il est donc essentiel d’en garder à l’esprit les inconvénients, il l’est tout autant d’en souligner les avantages. Ce mode d’accueil est le produit des mutations symboliques que connaît notre société, en matière de rôle entre les sexes et les générations, au sein de la famille. Au paradigme traditionnel d’une femme essentialisée dans un rôle d’entretien du logement et d’élevage de sa progéniture, est en train de succéder une logique de co-parentalité, chacun des deux parents étant légitime à participer aux tâches ménagères et à l’éducation de ses enfants. Dès lors, l’alternance de la résidence s’inscrit dans le prolongement de ce qui s’est passé lors de la vie commune, permettant à l’enfant de bénéficier alternativement de la présence à la fois de sa mère et de son père, garantie de son équilibre et du maintien du lien avec ses deux parents.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1035 ■ 20/10/2011