Vieillir vieux, vieillir mieux? Réenchantement et créativité
HARDY Laurence (sous la direction), Le Sociographe n°35, mai 2011, 128 p.
Le « vieux » est devenu une figure repoussoir, une catégorisation par exclusion qui privilégie le prisme de la démence, de la perte progressive d’autonomie et de la dépendance. Sans compter la notion de déficit : il est cet Autre soupçonné de puiser dans des ressources qui ne sont pas inépuisables (revenus, habitat, espaces de circulation). Mieux vaut parler de vieillissement, ce qui permet d’aborder ce double mécanisme concernant tout un chacun : on est toujours le vieux de quelqu’un. Il y a d’abord le processus biologique qui commence dès l’âge de 18-20 ans, aux multiples conséquences physiques, physiologiques et psychologiques. La vieillesse n’est pas seulement un écoulement paisible et ordinaire du temps. Elle est aussi accompagnée par la maladie et l’amoindrissement des forces. Mais, il y a tout autant un construit social qui évolue selon les époques et les représentations. L’arbitraire et la subjectivité règnent en maître, quand il s’agit d’appréhender les stades de la vie et leurs passerelles. L’espérance de vie limitée, en 1946, à 59,9 ans faisait que le passage théorique à la retraite concernait bien plus les morts que les vivants. Aujourd’hui, on vit beaucoup plus longtemps. Les personnes âgées qui avaient connu les guerres et les privations sont remplacés par ces anciens ados très rationnels et utilitaristes de la société hédoniste : le papy fumeur de joint succède à celui qui se contentait de la pipe ! Au « jeunisme » qui ne constitue pas tant une complaisance à l’égard de la jeunesse qu’une dévalorisation ontologique d’une vieillesse associée bien à tort à un naufrage, s’oppose un « vieillisme » qui voit dans les plus âgés une énergie revigorante et un accomplissement. Le troisième âge est dorénavant considéré plus comme un potentiel, que comme un gâchis. « La vie commence à 50 ans » entend-on parfois. Et de parler du « continent gris », de la « marée grise », des « nouveaux vieux à l’esprit jeune et au corps vigoureux, des « jeunes seniors ». Cette perception de la vieillesse modifie les pratiques. L’entrée dans des lieux où l’on arrive pour attendre d’y mourir, n’est plus considérée avec la même résignation qu’autrefois. Elle peut être perçue avec un sentiment d’abandon et de déchéance. Et même si les familles sont parfois amenées à faire des choix de placement en institution qui ne sont pas approuvés par leurs aînés, ceux-ci gardent des droits et justifient d’une écoute bienveillante, prenant en compte leurs réticences. Il est essentiel de les considérer, au-delà de leurs pertes, de leurs déficits et de leurs manques, comme des personnes restant citoyennes à part entière et devant être impliquées dans leurs choix de vie.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1040 ■ 24/11/2011