La défète des mères

HEME Lisa, Ed. Les 2 encres, 2013, 125 p.

Il faut une certaine audace, pour écrire un tel livre qui fait tomber de son piédestal la figure mythique de la maternité et désacralise son symbole de courage et d’abnégation exalté par notre société. Si l'auteure ne s'est pas donnée pour mission de diaboliser toutes les mères, elle s'autorise à dénoncer l'imposture de certaines d'entre elles. Il y a cette mère qui a bu, qui boit et qui boira et celle qui a fui sa prison familiale d’origine pour tomber dans une geôle conjugale qu’elle ne supporte qu'en mettant à distance mari et enfants. Il y a ces mères qui conçoivent de procréer, sous condition que cela ne leur prenne pas sur un temps entièrement consacré à leur carrière et celles qui se comparent en permanence aux autres dans une confrontation mortifère et douloureuse. Il y a ces mères étouffantes et castratrices et celles qui se refusent à s’ingérer dans l'éducation de leurs enfants, sensés grandir librement. Il y a cette mère qui fuit son foyer pour aller vivre une improbable aventure amoureuse et celle qui n'a jamais voulu protéger sa fille de l'agression sexuelle de son conjoint. Il y a la mère fusionnelle et celle qui est abusive, la mère dépensière dont les enfants ne cessent d'éponger les dettes et celle qui se laisse aller, refusant de réagir face aux aléas de l'existence. Lisa Heme nous propose ici une galerie de portraits saisissants, particulièrement bien écrits et décrits. Aucun jugement de valeur pourtant, ni de leçon de morale. Juste la saisie sur le vif de personnalités qui échappent à ces qualités que l'on dit naturelles. Il existe des mères qui ne sont pas sincères, bienveillantes et protectrices, qui ne sont aptes ni à la compassion, ni à la disponibilité et qui ne disposent pas d'une grande capacité d'écoute. Si l’on peut bien sûr s'en désoler et leur en vouloir, il faut surtout apprendre à faire avec et tout tenter pour grandir et réussir sa vie, malgré elles.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1153 ■ 11/12/2014