Chasseur, cueilleur, parent
DORCLEFF Michaeleen, Éd. Leduc, 2021, 478 p.
L’air du temps est chargé de polémiques opposant les partisans et les détracteurs du « time-out ». Version contemporaine du « coin », que beaucoup d’entre nous ont connu dans leur enfance (du moins pour les plus anciens), ce temps mort imposé aux enfants dans une relation parfois chargée d’électricité est décrié par les tenants de l’éducation positive qui lui préfèrent le dialogue.
Ils revendiquent ce « time-in » qui, en validant et accompagnant les émotions de l’enfant, l’aide à les réguler. Renforcement positif contre renforcement négatif : le match est engagé, à coups de tribunes libres publiées dans les journaux.
Un livre rédigé par une journaliste américaine permettra-t-il de départager les deux camps ? Rien n’est moins sûr ! Son argumentaire principal ? Et si les principes éducatifs de l’occident n’étaient finalement qu’un épiphénomène tout à fait inadéquat au regard de ceux mis en œuvre depuis des dizaines de milliers d’années par les cultures traditionnelles de chasseurs cueilleurs ? Leur savoir-faire séculaire et leur savoir-être ancestral privilégient la coopération plutôt que le conflit, la confiance plutôt que la peur, les besoins personnels plutôt que les standards pédagogiques rigides.
Michaeleen Dorcleff est allée enquêter auprès des Mayas (Mexique), des Inuits (Canada) et des Hazdas (Tanzanie). Elle y a trouvé des enfants d’une grande serviabilité, qui maîtrisent leurs émotions et qui acquièrent très tôt une grande autonomie. Quel est donc le secret de ces pratiques éducatives ?
Alors que nous consacrons une énergie folle à distancier le monde des enfants de celui des adultes, les Mayas font en sorte de les lier intimement. Ils laissent leurs enfants se mêler en permanence à leur quotidien, les encourageant à imiter maladroitement leurs gestes même si c’est maladroitement, à reproduire leurs activités au risque au risque de les freiner. Peu importe : ce qui compte, c’est cette proximité éminemment éducative. Résultat : ils participent naturellement aux tâches ménagères que nos enfants considèrent comme des corvées à fuir !
Alors que nous manifestons ostensiblement notre irritation et notre colère face aux bêtises de nos enfants, les imprégnant ainsi de nos réactions négatives considérées comme autant de modèles comportementaux, les Inuits prennent bien soin de contrôler leurs émotions. Leurs propres enfants reproduisent les attitudes apaisées dont ils sont témoins en permanence. Ils apprennent comment gérer leurs frustrations, à la manière de ces adultes qui montrent l’exemple.