ParentalitéS, normes et injonctions
SELLENET Catherine, Éd. L’Harmattan, 2023, 260 p.
S’il est bien un paradigme envahissant, c’est celui de la parentalité. Il était urgent que quelqu’un se mette à déconstruire ce mot-valise. Catherine Sellenet s’y consacre avec la rigueur et le talent qui lui sont propres. Chaque siècle ébauche le portrait du parent parfait et donne des conseils que le suivant s’empresse de remettre en cause. Le XXIème n’y échappe pas. Cette fois-ci, le modèle choisi dresse le tableau d’un enfant de rêve affublé d’un catalogue de besoins supposés et d’un parent idéalisé devant toujours se montrer disponible et attentif, investi et bienveillant et surtout jamais stressé, ni épuisé. Les professionnels contrôlent l’adéquation à ces critères ainsi définis, dans une dynamique de police des familles. Et c’est dans une dynamique de police des familles que les professionnels contrôlent l’adéquation à ces critères ainsi définis. Ils soutiennent ceux qui sont en difficulté ; ils aident ceux qui sont dans la précarité ; ils soignent ceux qui rencontrent des problèmes psychologiques ou psychiatriques ; ils surveillent et contrôlent les plus dangereux… En fait, ils accompagnent tous les parents, puisque tout un chacun semble potentiellement à risque ! Tous doivent être responsabilisés et alphabétisés, à grands coups de recettes éloignées de la vraie vie et de l’aventure imprévisible qu’est l’éducation d’un enfant. Tâche d’autant plus aléatoire quand le foyer ne bénéficie pas d’un logement adapté, d’un travail stable ou de ressources suffisantes. Les compétences parentales restent des notions fragiles, construites socialement à un moment donné de l’évolution des sociétés à partir des normes culturelles du moment. Sous le feu de la critique de l’auteure, les travaux de la commission sur les « 1000 premiers jours » (qui ne questionnent jamais les conditions de vie et s’adressent aux parents les plus aisés), les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP qui ciblent en priorité les familles monoparentales) et ce coaching (qui fonctionne dans une logique descendante)… autant de stratégies pour inculquer la bonne attitude à adopter, là où les réponses à un même problème sont diverses et plurielles. Et de passer en revue les problématiques trop souvent ignorées : la place des pères, la répercussion du divorce chez les enfants, la proclamation d’une coparentalité après la séparation qui reste à construire. Au final, un appel salutaire à la vigilance face à l’explosion du marché du conseil qui cultive les certitudes, en excluant tout questionnement, tout doute et toute hésitation.