Frères et sœurs, des liens à soigner

HAXHE Stéphanie, Éd. érès, 2024, 204 p.

Les liens de fratrie sont les plus longs de notre vie, précédant la mise en couple et survivant à nos parents. Pourtant, peu d’études y sont consacrées. Le livre de Stéphanie Haxhe comble ce vide.

La relation fraternelle constitue le laboratoire par excellence où s’expérimentent la socialisation et l’attachement, le soutien et le partage, mais aussi la rivalité et la compétition, l’agressivité et l’injustice.

C’est le lieu où chaque enfant distingue ce qui lui appartient dans un processus de différenciation entre soi et l’autre. C’est pourquoi les parents doivent veiller à ce que chacun trouve une niche à lui où il pourra faire valoir son altérité, sa singularité et sa spécificité.

La qualité de la relation fraternelle pèse sur les compétences sociales à l’âge adulte : la chaleur bienveillante les favorise, là où l’agressivité latente les réduit souvent. Pour autant, la conflictualité permet de faire entendre sa position, de la faire respecter et de constater combien les intérêts sont parfois divergents en trouvant les voies de la solution à la confrontation.

Les rancœurs, les oppositions et les attentes accumulées et non verbalisées posent des mines qui peuvent exploser plus tard. Mais les dettes relationnelles ainsi accumulées peuvent aussi bien venir des générations passées que transmises à celles qui suivent. Aider la colère à cheminer n’affaiblit pas les fratries, mais les renforce plutôt.

Stéphanie Haxhe intervient au sein des fratries qui lui font appel, en utilisant la thérapie familiale contextuelle élaborée par Bosszormenyi-Nagy. Elle décrit les concepts qui structurent cette approche : la justice distributive et rétributive, l’éthique relationnelle et la dimension ontique ou encore la légitimité constructive/destructrice et la partialité multidirectionnelle.

Autant de notions à l’intitulé barbare, mais aisées à comprendre et à voir appliquées dans la pratique qu’elle nous décrit. Elle les utilise dans les multiples configurations familiales qu’elle nous détaille : l’enfant unique ou l’enfant parentalisé, le conflit de loyauté face à des parents séparés ou les fratries séparées entre chaque membre du couple parental, mais aussi celles qui sont recomposées …

De multiples vignettes cliniques viennent illustrer la mise au travail proposé. Veiller à ce que la reconnaissance des besoins de l’enfant par la thérapeute ne surpasse pas celle des parents. Chacun est légitime à demander et à recevoir des soins, de l’amour, de la protection et de la sollicitude, mais autant à en donner, respectant ainsi le cycle donner-recevoir-rendre. Mais aussi et surtout incité à adresser ses réclamations/plaintes au bon endroit. Vaste problématique dans laquelle chaque lecteur trouvera un peu ou beaucoup de son histoire personnelle et familiale.