Le courage de la nuance

BIRNBAUM Jean, Éd. Seuil, 2021, 140 p.

L’époque est à la polarisation idéologique et à l’argumentation manichéenne : chacun est sommé de rejoindre tel ou tel camp et de prouver de quel bord il est. De féroces prêcheurs préfèrent attiser les haines plutôt que d’éclairer les esprits, le combat se substituant au débat. Face au pamphlet péremptoire, au brouhaha des évidences et aux esprits doctrinaires, Jean Birnbaum le proclame avec force : il n’y a pas plus radical que la nuance, plus courageux que la mesure et plus lucide que de saisir la réalité dans sa complexité. Aucune vérité ne doit être tue ou occultée, sous prétexte de ne pas faire le jeu de l’adversaire. Aucun argument honnête et intelligent ne doit être récusé, en raison de son utilisation par celui dont on ne partage pas l’opinion. Aucun dogme ne saurait supplanter l’indépendance de jugement. Il n’est pas dégradant de reconnaître qu’un contradicteur peut avoir ponctuellement raison. La bêtise n’est en aucun cas réservée à un clan, étant constitutive de toute posture militante obtuse. Bien sûr, ce n’est pas nouveau, il y a toujours eu ce vacarme des certitudes assénées … tout comme cet éloge du dialogue honnête avec ses contradicteurs. L’auteur cite le royaliste Bernanos condamnant sans hésitation les crimes franquistes ou le pied noir Camus défendant la cause de l’indépendance de l’Algérie, mais aussi les Annah Arendt, Georges Orwell ou Roland Barthes ouverts aux avis contradictoires.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1314 ■ 29/03/2022