De la gentillesse et du courage

CAROFLIGIO Gianrico, Éd. Les Arènes, 2021,145 p.

Répondre par la violence à une thèse elle-même violente est contre-productif, n’aboutissant qu’à l’exacerbation stérile des échanges. La meilleure façon de réagir ? La gentillesse. Non en usant de civilité, de politesse ou de bonnes manières, mais bien plutôt en faisant preuve de souplesse et de flexibilité. Non pour se dérober au conflit, mais pour l’accepter et éviter d’en faire un moment destructeur, en y intégrant des règles. Non avec l’intention d’éliminer son contradicteur, mais de s’enrichir à son contact.

Comment y parvenir ? En identifiant, tant chez soi que chez les autres, les biais, paralogies et sophismes les plus fréquents : moins on est compétent, plus on est convaincu de l’être (effet Durning-Kruger), caricaturer la thèse adverse (l’épouvantail), transformer une corrélation en causalité (fausse cause), déplacer une affirmation vers ses conséquences extrêmes (pente glissante), attaquer personnellement (ad hominem), réduire un problème à deux seules solutions (faux dilemme), convoquer un expert pour clore le débat (appel à l’autorité), naturaliser un point de vue (conformité au droit naturel), réfuter à partir d’un fait isolé (preuve anecdotique), retourner l’accusation (victimisme), demander à son interlocuteur de démontrer la fausseté de sa propre thèse  (inversion de la preuve), user de jugements de valeur (coller des étiquettes) etc …Et la bonne posture ? Utiliser des expressions exemptes d’ambiguïtés ; s’en tenir à ce qui a été explicitement exposé ; se placer en état d’attention, de disponibilité au débat et d’ouverture à de nouvelles perspectives. Habituons-nous à l’idée que nous passons une bonne partie de notre vie à avoir tort. Si l’on accepte l’incertitude, le hasard, le désordre, l’erreur, le doute, alors on s’ouvre aux nuances, aux détails et aux paradoxes.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1314 ■ 29/03/2022