Education thérapeutique - Pratiques institutionnelles

Lin GRIMAUD, érès, 1998, 216 p.

L’auteur se réfère à trois inspirateurs qui ont ancré leur pratique psychanalytique à des champs extérieurs à leur spécialité : Lacan à la linguistique structurale, Winnicott à l’environnement de l’enfant et Tosquelles au marxisme. Pour autant, ses écrits ne relèvent pas de l’exégèse, la théorie n’étant là, professe-t-il, tant pour modéliser que pour ouvrir des passages à la pensée. De même, la référence freudienne n’apparaît-elle pas comme un dogme. Si la psychanalyse a apporté de nombreux progrès aux institutions, « elle a produit de notables dégâts dans les équipes chaque fois qu’elle a pu être manipulée comme référence exclusive »(p.121) Fort de cette conviction anti-idéologique, Lin Grimaud nous livre toute une série de réflexions des plus pertinentes. Ainsi de la réhabilitation du quotidien éducatif présenté comme la base du projet thérapeutique. Moyen et art de la rencontre avec  l’enfant qui lui apporte les repères et les médiations concrètes nécessaires à la différenciation entre le Dedans et le Dehors, le Soi et l’Autre. « Nos pratiques fourmillent d’anecdotes sur l’événement ténu de la rencontre : échanges de regards, sourires, paroles ou objets ; évitements, frôlements, positionnements dans l’espace, hésitations, changements de cap … Toute une sémiotique de la distance, du rapprochement ou de l’éloignement entre êtres de désir que nous sommes, tisse notre champ de pratique à l’intérieur duquel nous espérons que naissent des progrès, que le sujet humain prenne consistance. » (p.54) Mais ce ressenti est encore perçu comme dangereux par les professionnels qui, pour se protéger de l’angoisse de leur travail, considèrent que les problématiques qui assaillent les usagers leur sont totalement étrangères. Or, la relation thérapeutique implique une réactivation réciproque des formations inconscientes de chacun des protagonistes. Le travail ne peut se réaliser avec succès qu’à la condition que l’intervenant reconnaisse cette réalité : « il y a parcours de l’usager, s’il y a parcours du professionnel, il y a effet de sens et cheminement de représentations chez l’usager, si le processus opère aussi pour le professionnel (…) la clinique de tous les jours est porteuse de moments de sens qui font ouverture dans notre propre roman personnel. » (p.213) Lin Grimaud dénonce encore le mythe de la magie d’une écoute qui en elle-même permettrait à celui qui parle de résoudre ses impasses subjectives. Il rappelle avec raison que ce processus ne peut s’opérer qu’à condition que celui qui écoute représente pour celui qui parle ce au nom de quoi il écoute : « la technique ne suffit pas, il faut qu’elle s’origine dans l’éthique. » (p. 97) On lira avec plaisir bien d’autres considération chez un auteur qui, en s’inscrivant dans le courant de la psychothérapie institutionnelle, nous fournit de nombreuses occasions de réflexion et de méditation.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°509  ■ 25/11/1999