Histoires secrètes de la psychanalyse

Gérard BADOU, Albin Michel, 1997, 207 p.

Ce livre faisant une large place à la description de la vie intime des fondateurs et lieutenants de la psychanalyse, il déclenchera au choix les foudres ou le mépris des gardiens du temple. L’auteur, ne voulant pas attendre 2113, date à laquelle certains dossiers de Freud seront enfin accessibles, est allé chercher aux sources des recherches les moins complaisantes pour nous montrer la “ nouvelle science ”… côté cour.

Ainsi du cas Anna O qui constitue le premier chapitre des célèbres “ Etudes sur l’hystérie ” qui sont considérées comme l’acte fondateur de la psychanalyse. Le récit de cette guérison s’avère une authentique arnaque scientifique qui tronque l’anamnèse de la patiente en évitant de relater les nombreuses rechutes ultérieures. Les biographes officiels du Christophe Colomb de la psyché se sont bien gardés de nous le décrire sous les traits du brillant médecin diagnostiquant les douleurs nasales et saignements de nez de l’une de ses patientes comme un signe évident d’hystérie et découvrant quelques semaines après qu’il s’agit en fait de l’infection résultant d’une compresse laissée là par une opération antérieure. Ni de ce chantre de la sexualité mise au cœur de sa théorie et qui confie à son médecin de famille le soin d’expliquer à ses filles les mystères de la vie. On connaît les déchirements des héritiers passant le plus clair de leur temps à s’excommunier les uns les autres. Ce sont les dignes rejetons de celui qui a passé sa vie à intriguer et à manipuler pour se débarrasser des gêneurs ou des contestataires. “ Tout ce qui s’écarte de nos vérités reçoit immédiatement la sanction officielle ” déclare-t-il en 1913, tout occupé qu’il est à couler dans le bronze le dogme inaliénable d’une orthodoxie transmise à des adeptes inconditionnels. Et puis, il y a “ Tintin en Amérique ”. Freud, flanqué de ses deux acolytes du moment (qu’il n’avait pas encore éliminés) Jung et Ferenczi fait en 1909 une tournée triomphale dans ces USA qu’il abhorre. Il ne supporte pas ces américains qui font fortune en exploitant ses découvertes qui vulgarisées et mises à toutes les sauces sont devenues une affaire de fric. Le producteur d’Hollywood lui propose même de rédiger un scénario sur les amours d’Antoine et Cléopatre et ce pour 100.000 $. Le maître dédaigne l’offre. En 1924, un grand journal lui offre la possibilité d’assister au procès de deux assassins et ainsi d’analyser leur comportement. Freud refuse au prétexte qu’il lui est impossible de formuler une opinion sur des personnes qu’il ne peut examiner personnellement. Six ans plus tard, c’est l’argent qui lui fera renoncer à ce beau principe en s’associant au portrait du Président Woodrow Wilson qui s’avérera en fait un vulgaire règlement de compte commandé par un adversaire de l’homme politique et dont Freud se rendra involontairement complice. Mais, ce livre ne fait pas qu’éclairer la personnalité de Freud et de ses condisciples comme Marie Bonaparte ou Lacan. Il nous propose une anecdote savoureuse : celle des moines du monastère de la Résurrection, qui après avoir accepté de se faire psychanalyser ont décidé pour 40 sur 60 d’entre eux de se défroquer et de se marier.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°446 ■ 18/06/1998