L’humour. Un défi aux certitudes

PATTI Marie-France, Ed. InPress, 2017, 151 p.

Le rire peut exclure l’humour et l’humour ne pas faire rire. L’humour se pose comme une énigme et un défi : il souligne certains aspects plaisants, insolites ou absurdes de la réalité, mais trouve ses limites dans l’idéalisation des valeurs et le seuil de tolérance à la critique et à la liberté d’expression. Volontaire et consciente, cette disposition individuelle se rajoute aux autres sens, sans être forcément présente chez tout le monde.

L’ancien testament distinguait le rire joyeux du rire moqueur et les anciens grecs le rire bienveillant du rire sarcastique. Le Moyen-Âge l’associait systématiquement à la débauche, à la jouissance et à l’animalité. Le XVIIIème siècle reconnaîtra au contraire ses vertus de raffinement et d’élévation. Les temps modernes le confirmeront dans un rôle cathartique et régulateur, subversif et critique.

Sigmund Freud usait autant de la caricature que de l’ironie, de l’humour noir que de l’autodérision. Pour lui, le jeu de mot, le mot d’esprit ou le mot spirituel sont des subterfuges de l’appareil psychique pour faire accéder des pensées inconscientes à la conscience. Si le comique s’appuie sur le laid ou le monstrueux et l’ironie sur l’agressivité, l’humour sublime la réalité, en appelant à une prise de distance à l’égard de tous les traits identificatoires qui s’y rattachent : croyances, dogmes et certitudes. Il désacralise les idéaux et se nourrit de la symbolisation. Il ne cherche jamais à détruire, mais à détourner un affect pénible, à dépasser la simple expression des pulsions et à décharger les tensions internes. Quand il se fait noir, l’humour permet, par son impertinence subversive, de prendre du recul face au sens tragique de l’existence. C’est en tout cela qu’il constitue à la fois un facteur de résilience et un antidote face à la violence.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1297 ■ 08/06/2021