La pratique du packing avec les enfants autistes et psychotiques en pédopsychiatrie
DELION Pierre & all, érès, 2007
L’enfant en sous-vêtements s’allonge sur un lit. Il est enveloppé très rapidement de linges mouillés à l’eau froide, préalablement essorés. Le froid ne tarde pas à l’envahir. L’espèce humaine est homéotherme. Son organisme identifie aussitôt tout refroidissement qui menace la température centrale stable qui lui est vitale. S’enclenche alors un mécanisme qui lui permet d’accroître la production de chaleur. L’enfant, saisi par la désagréable sensation de refroidissement, se réchauffe au cours de l’heure qui suit, un bien-être remplaçant progressivement le malaise initial. Cette scène est pratiquée couramment par des équipes soignantes auprès de petits patients souffrant de troubles psychotiques graves et plus particulièrement d’autisme, ayant recours à des automutilations. Cette technique très controversée peut apparaître à la fois barbare et sadique. Pierre Delion réunit ici les témoignages d’équipes médicales, de thérapeutes et de parents pour tenter d’en justifier les bienfaits. Cette thérapie s’appuie sur l’observation de la fréquence, dans les situations d’autisme, des angoisses portant sur les représentations spatiales et l’image du corps. Tout se passe comme si la perception de l’enveloppe que forme la peau était gravement perturbée, voire inexistante. L’enfant cherche alors à tester ses limites corporelles, en s’automutilant. On a longtemps cru que ces auto-agressions indiquaient une insensibilité à la douleur, liée à un plus grand déploiement des substances anesthésiantes présentes dans le corps. Il n’en est rien. Ce n’est pas des mécanismes d’analgésie endogènes qui provoquent l’apparente diminution de réactivité à la souffrance, mais plutôt l’existence d’un mode d’expression caractérisé par des troubles de la symbolisation et de la communication. L’enfant autiste a autant mal que les autres, mais ne sait pas toujours l’exprimer selon des modalités décodables pour l’observateur extérieur. Le choc thermique provoqué par le packing aurait au moins deux conséquences. La première tiendrait dans la modification de la perception du corps. La saturation de la sensorialité cutanée liée au contraste du froid et du réchauffement remplacerait l’angoisse initiale de dispersion par une sensation d’enveloppe et de rassemblement. L’effet de saisissement, en agissant sur le même circuit que la douleur, viendrait aussi désaccoutumer des automutilations. Un tel modèle, par définition réducteur, est censé remplacer la contention apparente par une contenance libératrice. Souhaitons-le.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°929 ■ 14/05/2009