Qu’est-ce que la psychiatrie ?
Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies…
Bruno CASTETS, Privat, 1993, 208p.
Oserai-je détourner une phrase de l'auteur ? "Le sujet est hasardeux autant qu'il est peu clair" !
Bruno Castets a choisi de réunir ses notes de cours pour tenter de nous éclairer dans cet ouvrage qui est tout sauf un manuel scolaire.
L'auteur, évitant tout vocabulaire spécialisé et pédant, présente dans un style alerte et plutôt détendu, ses réflexions sur la psychiatrie.
On n'est là ni dans une synthèse savante ni dans une défense et illustration de convictions acharnées. D'un ton plutôt badin, le docteur nous fait part de sa vision de la maladie mentale avec ce que cela peut avoir de crispant, de réducteur et de pertinent.
Crispant tout d'abord pour le lecteur qui, n'étant pas entré dans les ordres, (re)découvre les sentences de la psychanalyse qui assène ses postulats comme autant de "vérités révélées". Ainsi en va-t-il de l'obsessionnel de la jalousie qui sera heureux d'apprendre qu'à la base de ses difficultés se trouve la violente envie... de se faire sodomiser (après tout, pourquoi pas?).
Réducteur, le docteur l'est, quand il nous explique doctement que l'inceste reste chose exceptionnelle (c'est vrai qu'à force de vivre à son contact, nous autres travailleurs sociaux le trouvons trop fréquent !). Le travail ferait partie de la définition de l'homme, comme l'enfant, de la définition de la femme (voilà sacralisée la division sexuelle du travail). Les enfants, eux, n'ont aucune confiance dans les grandes personnes (qu'allons-nous nous enquiquiner à tout faire pour faire tomber leur défiance !). Quant à la toxicomanie, c'est un problème de structure qu'on ne peut modifier sans briser l'être humain (nos collègues intervenants en toxicomanie seront ravis de l'apprendre).
Mais je dois à l'objectivité d'avouer que l'ouvrage ne se résume pas à une accumulation d'affirmations hâtives, de généralisations douteuses et de propos imprudents que je me suis amusé à regrouper ici.
On y trouve aussi des développements brillants, pertinents voire décapants.
Réaffirmant sa conviction sur la structuration œdipienne en tant que schéma fondamental de la relation à l'autre, Bruno Castets nous livre de belles pages sur le sens de la vie (on ne peut vivre sans l'autre, mais celui-ci ne sera jamais totalement disponible) et de la mort (le deuil, c'est le ressenti de la perte de la tendresse, de l'amitié et de l'amour que nous portait la personne disparue).
S'entrecroisent alors des propos passionnants sur l'art du mensonge, le suicide raisonnable, le délire comme défense contre la mort, l'approche du délinquant comme incapable de généraliser la notion d'être humain ou encore l'importance de ne pas se limiter au fait en soi mais de toujours chercher à en interpréter la signification.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°264 ■ 09/06/1994