Soigner l’abandon corps et âme

Bernard DUREY, Théétète éditions, 1998, 133 p.

Bernard Durey est psychanalyste. Il intervient auprès de nombreuses institutions, notamment des CAT. La pratique psychothérapeutique qu’il nous décrit ici n’est pas des plus académiques. Elle choquera les puristes (ce qui au demeurant le rend éminemment sympathique) et interrogera les autres. Ses outils de base sont le contact physique et la régression appliqués à des adultes souffrant d’abandonnisme. « On n’a que trop souvent réduit le ’’toucher’’ aux épanchements sexuels, comme si les corps n’existaient que par ces échanges-là »(p.130) Or, estime l’auteur : « qui touche au corps touche à l’âme. Qui parle à l’âme s’adresse au corps. Le tout est de savoir que les mots et les mains sont chargés de significations, que les uns et les autres peuvent susciter l’émotion, que les intonations de la voix et la nature des touchers vont moduler le sens » (p.130).

Fort de ces convictions, Bernard Durey utilise avec ses patients des techniques aussi diversifiées que les jeux de rôle, la danse libre, mais aussi les bains et les massages, l’objectif étant d’amener le sujet à dépasser les inhibitions liées aux maltraitances subies dans l’enfance. « Les mains du thérapeute viennent apaiser ce que d’autres mains avaient cruellement blessé » (p.26) Et d’accepter de recevoir sur ses genoux l’adulte qui lui déclare « puisque je n’ai personne au fond, alors j’ai décidé qu’ici ce serait ma maison et que toi tu serais comme mon grand-père (…) Alors, tu peux me faire un câlin ! Personne ne m’en a jamais fait » (p.54) Et d’accepter ensuite de lui donner le biberon quand celui-ci lui en fait la demande : « tout de suite François s’est blotti contre moi. Il a bu à petites goulées, tétant et fermant les yeux. Quand le biberon a été vite, toujours blotti, il s’est endormi un moment : se réveillant, il m’a fait la bise, mais très calmement » (p.56) Et de donner le bain et d’appliquer un massage qui réactive la fonction maternelle : « Christian s’empare d’un foulard de Danielle (l’éducatrice). Il ne veut pas le lui rendre. Il l’emporte, il va dormir en le tenant et en en respirant le parfum. » (p.81) La plongée qui se vit ainsi pour le sujet dans sa souffrance archaïque permet alors de le libérer suffisamment pour qu’il puisse avancer. Et à en croire l’auteur, ça marche. Les vignettes cliniques qu’il nous propose semblent en tout cas le démontrer. Bien sûr, de tels soins apportés au « corps du bébé » chez l’adulte s’accompagne inévitablement d’une forme d’érotisation sans que pour autant il n’y ait la moindre confusion avec le génital. Il n’y a que les commentaires ou étonnements maladroits de l’entourage qui peuvent bloquer les patients dans leur cheminement qui passe par la régression. Le lecteur intéressé trouvera dans les dernières pages de l’ouvrage une discussion théorique lui permettant de resituer ces pratiques.       

           

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°481 ■ 08/04/1999