Moments thérapeutiques ou de la difficulté d’aider et d’être aidé

Bernard MONTACLAIR, érès, 1998, 190 p.

Ancien éducateur, devenu directeur d’école puis psychothérapeute, l’auteur nous livre le fruit de son expérience d’une plume légère  et précise. Pourtant, il se refuse de s’adresser à l’intelligence du lecteur lui préférant sa sensibilité : « l’étonnement, l’interpellation permanente, la remise en question sont les seules recettes que j’estime utile de conseiller » affirme-t-il d’emblée (p.15). Son option, c’est de partager un vécu : et si c’était cela le savoir et la méthode s’interroge-t-il ?

 Ainsi de la mise en scène cathartique qu’il met en œuvre lors de ses séances psychothérapeutiques : « ici on peut tout dire, même ce qui ne pourrait pas être dit ailleurs, ce qui serait impoli, interdit ou idiot » explique-t-il à l’enfant. La violence doit pouvoir être verbalisée, jouée, sans culpabilité dans un cadre bien repérable. La parole permet ainsi de dire la haine au lieu de l’agir. « Charlie a essuyé la morve de son nez et cherché à me barbouiller de salive. Je lui ai tendu un kleenex. Il s’est mouche et m’a lancé le kleenex à la figure. Puis il a commencé à lancer des objets dans la pièce et visé des carreaux avec un bloc de construction. »

Ainsi, cette réunion programmée avant l’entrevue difficile avec une mère. Cette dernière, se trompant d’heure, se présente au début de la rencontre préalable. Elle y est finalement intégrée, les praticiens tablant sur la spontanéité des échanges qui se déroulera d’une manière positive. L’espoir et l’émerveillement apparaissent alors plus utiles que la quête incessante de nouvelles techniques visant vainement à contrôler les choses et les gens en chosifiant au passage ces derniers. Les personnes en difficulté explique Bernard Montaclair ont surtout besoin d’être écoutés, reconnus, respectés. Ils ont besoin d’égards et d’un autre regard, juste un peu de considération. Mais surtout pas de jugement à courte vue : « allez savoir, lorsqu’un enfant est en état de malnutrition, si c’est parce que la mère n’a pas assez de lait ou parce que l’enfant ne tête pas assez fort. Si la mère refuse son sein parce qu’elle estime que l’enfant a assez bu ou parce qu’il lui fait mal. »  Il arrive trop souvent que le handicap de l’autre soit avant tout dans le regard qu’on lui porte !  Qu’en est-il du professionnel ? « Si un jour tu as ton mari à l’hôpital, si ta fille est amoureuse de son dealer, et que tu apprends que ton meilleur copain vient de mourir du sida ; si en plus tu t’aperçois qu’on t’a volé ton carnet de chèques et que tu n’as plus de cigarettes, il y a de grandes chances pour que tu enfiles tes collants à l’envers et que tu sortes en laissant le lait sur le gaz. Un psychomotricien dira peut-être que tu traînes depuis ton enfance des troubles de la latéralité et du schéma corporel. S’il a lu Freud, il ajoutera sûrement que ton accession à l’ordre symbolique laisse encore à désirer. »

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°500 ■ 23/09/1999