ABC de la psychologie de l’enfant

Corinne MOREL, Jacques Grancher éditeur, 1999, 267 p.

Les ouvrages de vulgarisation psychologiques sont nombreux. Ils ne sont pas toujours heureux. Aussi, n’allons-nous pas bouder notre plaisir avec le livre de Corinne Morel. Si le lecteur cherche une synthèse des différentes théories de la psychologie de l’enfant qui soit simple sans être simpliste et qui en propose la substantifique moelle, alors il doit s’arrêter là et se précipiter dans la librairie la plus proche pour passer commande.

L’immaturité psychologique de l’enfant diffère de son immaturité physique en ce qu’elle n’est pas visible. L’adulte considère trop souvent que celui-ci pense, réagit, éprouve et ressent tout comme lui. Autre travers, continue l’auteur, cette propension à généraliser en partant d’un cas particulier. Or, chaque enfant est unique. Ce qui a pu fonctionner pour l’un ne fonctionnera pas forcément pour l’autre. Ce qui a marché à un moment donné ne marchera pas nécessairement à un autre moment. L’éducation contraint l’adulte à évoluer, à se remettre en cause, à réfléchir aux compromis qu’il va devoir concéder. Ce qui fait que dans la relation éducative, ce qui compte avant tout, c’est la qualité de l’échange qui s’établit et le sentiment d’amour qui transparaît. L’auteur se livre à un tour d’horizon des plus œcuménique qui « n’entre pas dans les disputes de chapelle, si fréquentes dans le secteur de la psychologie, ni ne tient compte des considérations conceptuelles pointilleuses » (p.41). Tout commence par la grossesse au cours de laquelle le fœtus échange en permanence avec le monde extérieur et pour laquelle l’haptonomie cherche à établir une communication active. Puis, vient la naissance qui ne peut pas ne pas laisser de traces : le choc que constituent la différence de température, de lumière de bruit ainsi que la séparation brutale  sont autant d’éléments traumatisants. Aussi, les préconisations de Frédérick Leboyer sont-elles pertinentes : demi-osbcurité, échange à voix basse, attente avant de couper le cordon ombilical, bain à 37 ° permettant de réchauffer le nouveau-né, au moment de l’accouchement. C’est la période qui va de la naissance à 3 ans qui a le plus passionné les chercheurs tel Spitz, Mahler, Klein, Winnicott (largement présentés par l’auteur). L’articulation entre l’attachement/sécurisation et l’exploration/autonomisation apparaît comme aussi vitale pour le petit d’homme que le boire ou le manger. « S’il est préjudiciable pour le bébé que sa mère ne s’adapte pas pratiquement à 100% au cours de la phase de dépendance absolue, il est tout aussi dangereux pour son équilibre psychique, qu’elle n’introduise pas la désillusion lors de la phase de dépendance relative » (p.47). De 3 à 6 ans, la représentation du monde passe par l’animisme (donner une âme aux choses), l’artificialisme (le monde serait fait pour l’homme), le finalisme (tout a un but), le réalisme (perception concrète de toute chose), syncrétisme (difficulté à relier la partie au tout), croyance en une justice immanente etc… De 6 à 12 ans, c’est la phase dite latence surtout décrite par Freud. Les fondations affectives étant déjà posées, place aux investissements intellectuels. « Toutes les conduites culturellement et moralement réprouvées sont progressivement intégrées et influent tant sur les investissements pulsionnels que sur les comportements de l’enfant » (p.147). Piaget a bien décrit les différentes étapes d’acquisition du savoir : conservation de la quantité à 7-8ans, du poids à 9-10 ans et du volume à 11-12 ans. Tous les psychologues ne sont pas d’accord sur la période suivante marquée par la fameuse crise d’adolescence et son inéluctabilité. Pour grandir, affirme Winnicott, il est nécessaire de tuer ses parents. Cette phase d’opposition sera d’autant plus mesurée que l’enfance sera heureuse et épanouie. La place des adultes reste néanmoins essentielle : « la démission des parents est aussi préjudiciable à l’adolescent que leur dictature et le non-respect de sa personne » (p.179) Corinne Morel termine son ouvrage par toute une série d’aspects pratiques et concrets : comment comprendre et apaiser les angoisses, les pleurs, la colère et l’agressivité, les conflits, les troubles de sommeil, les rivalités fraternelles etc … « Conclure est chose impossible lorsque l’on parle de l’enfance car elle n’est jamais véritablement terminée. L ‘adulte porte en lui l’enfant qu’il a été. » L’auteur s’y risque néanmoins en s’interrogeant sur ce qui fait de bons parents (on pourrait fort bien étendre le questionnement aux éducateurs) : « ce sont ceux qui espèrent pour vous » (p.262)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°502 ■ 07/10/1999