La guérison du cœur
Guy CORNEAU, J’ai lu, 2000, 340 p.
Nos souffrances ont-elles un sens? Si l’auteur n’avait pas connu lui-même des difficultés de santé qui l’avaient confronté aux pires souffrances, aurait-il pu écrire un tel livre ? On ne le saura jamais. Dans un style agréable qui nous fait plus penser au conte qu’au froid traité de psychothérapie, Guy Corneau nous livre des convictions qui renforcent l’affirmation de Jung selon laquelle, il existerait un « monde-un » dont matière et esprit formeraient des facettes intimement liées. Nombreux sont les chercheurs qui ont souligné le rôle de la pensée et des états psychiques dans la régulation des mécanismes de guérison. Pasteur affirmait lui-même, à la fin de sa vie, que les microbes ne pouvaient opérer que sur un terrain propice. D’où la question centrale de l’ouvrage : les souffrances dont nous sommes victimes ont-elles un sens ou relèvent-elles de la seule absurdité ? La réponse fournie est sans détour : la maladie serait la forme prise par le cerveau pour gérer un stress qui le submerge. La transformation du conflit psychologique en conflit biologique constituerait le meilleur programme de survie qu’ait jamais inventé l’organisme humain. La maladie exprimerait nos conflits les plus profonds et nous permettrait de prendre conscience de nous-mêmes. « Nos malaises sont nos maîtres intérieurs. Ils nous aident à nous découvrir. Les frictions qu’ils provoquent nous aident à nous réorienter » (p.128). Il est donc nécessaire de partir à la rencontre de la part d’inconnu que le mal désigne en nous et qui demeure en dehors du champ de notre conscience. Démarche d’autant plus difficile que lorsque notre corps est malade, notre esprit est affaibli et certaines de nos émotions sont bloquées. L’enjeu est de rester en contact avec ce qui se joue en nous sans en être pour autant submergé. Tant que notre état intérieur n’a pas trouvé à s’exprimer, il reste confus. Si on lui permet de prendre une forme et une couleur, il devient alors possible de dialoguer avec lui : cela passe par se poser des questions, réfléchir et s’observer. Mais cette quête de sens, qui a pour objectif premier de nous mettre en mouvement, ne doit pas provoquer notre culpabilité. Écouter nos symptômes doit se faire dans un esprit de non-jugement et d’accueil de soi. Une telle démarche ne doit pas s’entendre non plus comme un dénigrement de tout traitement médical : la guérison d’une affection est liée à un processus global qui se joue en nous. Il y a une place pour les fantastiques progrès de la médecine. Il y en a une autre pour cette fluidité mentale qui nous permet de ne pas rester encombrés par les rigidités psychiques, ni prisonniers d’opinions inébranlables ou de sensibilités émotives figées. Il n’est pas non plus question d’une quelconque apologie de la souffrance : « L’allégement de la douleur n’empêche en rien de s’interroger sur l’origine d’un malaise et d’en apprendre quelque chose» (p.167). L’important est bien d’arrêter de chercher à l’extérieur la solution qui est en nous.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°602 ■ 20/12/2001