La clinique du bout du fil. L’aide psychologique par téléphone en question
CAPOBIANCA Aurélie et GONZALEZ Julie, 2012, Ed. PUF, 198 p.
Depuis la création de SOS Amitiés, en 1960, les offres d’aide psychologiques à distance se sont multipliées. Aux lignes d’écoute gratuites se sont rajoutées ces propositions commerciales de thérapie par téléphone, avec abonnement possible et première séance gratuite. Gain de temps, d’énergie, d’argent et de déplacement pour les consommateurs qui peuvent ainsi obtenir un psy immédiatement et tenter de soulager instantanément leur souffrance. Mais, peut-on soigner l’âme comme on pratique le télé-achat ? Comment penser une clinique, hors de toute rencontre ? Quelle portée pour une parole qui fait irruption dans un espace où ne se trouve pas le corps qui la produit ? Les buts de ces services sont diversifiés : écoute, soutien, conseil, orientation, signalement. Appelant et écoutant ignorent tout de l’autre : ne rien savoir, ne rien voir et perdre toute trace, aussitôt le téléphone raccroché, telle est la règle, chacun étant livré à son seul imaginaire. Un tel dispositif d’écoute favorise les confidences : il permet d’oser parler de soi, d’encourager à aborder l’intime, de permettre de dire et de parler franchement. Certes, cela peut se transformer en dépotoir, en déversoir, l’oreille devenant poubelle. Mais, ce qui pose vraiment problème, c’est que l’absence de heurt avec le réel constitue le parfait instrument de la non-rencontre. Parler au téléphone, c’est éviter, peu ou prou, de parler avec quelqu’un et de se confronter à l’altérité. Est-ce à dire que ces échanges sont à proscrire ? Pas forcément, du moment que l’écoutant, réussissant à éviter toute tentative d’interprétation, prend bien soin de ne jamais se dégager du champ de la seule écoute. Son objectif ultime est bien alors de faire émerger une demande à laquelle il ne répondra pas, afin de créer un manque qui poussera l’appelant à désirer rencontrer un tiers.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1152 ■ 27/11/2014