La fabrique du crétin digital

DESMURGET Michel, Éd. du Seuil, 2020, 576 p.

Le nouveau monde des digital natives serait plus réactif, plus rapide et plus compétent à synthétiser d’immenses flux d’informations : nées une souris à la main, un smartphone dans l’autre, les nouvelles générations seraient multitâches, bricoleuses et zappeuses de génie. Au risque de se faire traiter de réactionnaire, de moraliste ou d’alarmiste, Michel Desmurget démonte ces artifices, appuyant sa mise en garde sur des centaines d’études menées par la communauté scientifique internationale. Mis à part quelques geeks, cette prétendue expertise n’est qu’un mythe. Au-delà de l’usage récréatif basique, le niveau de maîtrise de l’outil s’avère bien plus chancelant. Si personne ne peut nier l’apport extrêmement fécond du numérique, l’inefficacité pédagogique des programmes audio-visuels éducatifs est démontrée expérimentalement. Plus les enfants sont exposés aux écrans, plus leurs difficultés à lire s’accroissent et leurs compétences langagières se réduisent. La répétition de stimulations sensorielles exogènes pèse négativement sur le développement cognitif et les capacités d’attention, aggravant les conduites addictives et les symptômes d’hyperactivité. La pratique des jeux sur écran n’améliore pas les résultats scolaires mais les dégrade. Un cerveau soumis à des images violentes est plus souvent amené à désactiver ses réseaux émotionnels. L’objectif de l’auteur n’est pas de vouloir légiférer ou d’interdire, pas plus que de menacer ou de contrôler. Son ambition tient en une seule intention : alerter. Il y a un gouffre entre la prudence scientifique et l’emphase médiatique sur les effets prétendus bénéfiques des écrans. La consommation récréative des jeunes générations n’est pas excessive, elle est extravagante, nuisant gravement à leur épanouissement intellectuel émotionnel et sanitaire.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1317 ■ 10/05/2022