Eduquer à la sexualité. Un enjeu de société
Patrick PELEGE et Chantal PICOD, Dunod, 2006, 262 p.
Toute société assure l’éducation sexuelle, qu’elle soit initiatrice, démonstrative, implicite, explicite ou répressive. Notre société occidentale a privilégié une attitude puritaine jusqu’à la moitié du XXème siècle. Cette perception fut renforcée par la séparation de l’église et de l’Etat en matière d’éducation, qui réduisit l’instruction publique au domaine strictement objectif et scientifique et laissant aux familles le soin de dispenser les valeurs et la morale. Aujourd’hui, on en est persuadé : en matière de sexualité, il y a moins à craindre d’une éducation explicite et formalisée que d’une éducation diffuse, informelle, prosélyte, voire accidentelle qui laisserait le champ libre à la seule information par le groupe de pairs ou par le biais de la pornographie. Les auteurs consacrent leur ouvrage à une présentation du contexte et des modalités de cette éducation qu’ils ne veulent pas restreindre à la seule prévention des risques, mais à laquelle ils préconisent d’intégrer les dimensions existentielle, émotionnelle et relationnelle. Car si la sexualité humaine relève bien d’abord du champ biophysiologique, les corps ne se réduisent pas aux seuls mécanismes physiques : devenir adulte, c’est apprendre à gérer des pulsions parfois violentes qui peuvent néanmoins ne pas se transformer en passages à l’acte, pour peu qu’elles se limitent à des fantasmes restant nichés dans une pensée à laquelle personne ne peut accéder. A ce champ psychoaffectif, s’en rajoute un troisième qui relève du socioculturel : si tout être humain est doté d’une manière universelle des mêmes fluides, ceux-ci n’ont pas les mêmes significations selon le contexte social dans lequel ils s’écoulent, s’inscrivent et s’échangent. Chaque société a ses propres représentations de l’intime et de l’espace public, du sain et du malsain, du propre et du sale, du sacré et du profane, du masculin et du féminin. De même si les étapes de l’épanouissement sexuel sont communes à chaque jeune, chaque individu les vit à un rythme biologique et psychologique directement lié à sa propre expérience et à son milieu de vie. Si l’apprentissage du petit d’homme ne peut faire l’économie d’une éducation à la sexualité, reste la question des limites à ne pas dépasser, au risque d’envahir ou de faire intrusion de manière abusive tant sur le plan symbolique que psychique dans ce qui relève de l’intimité. L’essentiel est de dénoncer le leurre absolu qui veut que chacun puisse faire ce qu’il veut de son corps, alors que la sexuation inclut le corps de l’autre en soi, les deux corps devant se lier, se relier, sans se confondre, ni se menacer. « Le passage du sexué au sexuel suppose d’intérioriser ce qui est transmis à l’extérieur du sujet, d’incorporer (mettre en soi) ce qui vient des autres en inscrivant sa propre subjectivité et singularité parmi celle des autres » (p. 35). Assurément, l’éducation à la sexualité constitue l’une des formes essentielles permettant d’aller à la rencontre de l’autre.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°868 ■ 17/01/2008