Je veux faire l’amour. Handicap, sexualité, liberté
NUSS Marcel, 2012, Ed. Autrement, 152 p.
Marcel Nuss est âgé de 57 ans. Il est père de deux enfants. Il a une vie foisonnante : auteur de livres, conférencier, formateur. Sa vie sentimentale et sexuelle est riche et intense : un mariage et un divorce, suivis de plusieurs liaisons. Ah oui, j’allais oublier : il est atteint d’un handicap congénital évolutif, une amyotrophie spinale infantile qui l’immobilise dans un fauteuil, le contraint à avoir recours à un respirateur artificiel et à une aide permanente d’auxiliaires de vie. Le tabou que véhicule notre société sur la sexualité des personnes avec handicap, il le connaît bien, lui qui a réussi à le dépasser. C’est justement parce que cette exclusion du plaisir sensuel et sexuel pèse sur toute une partie de la population, qu’il a écrit ce livre. Il y décrit sa propre expérience et s’y engage contre la morale, les peurs ataviques, les rigidités professionnelles et/ou institutionnelles, les préjugés culturels, les présupposés bien ancrés, sans oublier tout simplement le manque d’intelligence du cœur. Comment réussit-il, lui-même, à gérer ses relations amoureuses ? En étant lui-même, en étant en accord avec lui et en ayant confiance en lui. C’est moins le handicap que l’état d’esprit qui explique le manque d’attirance, explique-t-il. Il n’est pas nécessaire de plaire pour séduire, ni de séduire pour plaire. Si l’on plaît à partir de ce que l’on a, de sa prestance ou de son apparence, on séduit à partir de ce que l’on est, grâce à sa présence, son magnétisme et son charisme. Et des femmes, il en a connu. Ce qui n’empêche pas Marcel Nuss d’avoir recours à des escorts girls. Il se prononce pour l’officialisation d’un accompagnement sexuel, qui vaudrait aujourd’hui à toute personne l’organisant une mise en examen pour proxénétisme. Il ne croit guère à des accompagnants sociaux formés à cet effet. D’abord parce que cela ne peut que fragiliser la vie de couple des intéressés. Ensuite, parce que cela limite l’ampleur des prestations proposées. Il préfère la sollicitation de travailleurs du sexe. S’il est favorable à l’éradication de la prostitution mafieuse, il revendique la légalisation contrôlée et l’attribution d’un statut professionnel, pour les prostitué(e)s volontaires et indépendant(e)s. Si le devoir de l’État est effectivement de protéger contre les relations sexuelles non consenties, maltraitantes et agressives, explique-t-il, il ne lui revient pas d’avoir à restreindre la liberté de quelques uns, au motif qu’elle ne convient pas à la morale puritaine de quelques autres. On ne peut déplorer que les hommes avec handicap aient quatre fois plus de risques de subir une agression sexuelle et leur dénier le droit et les moyens de vivre eux aussi leur sexualité.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1098 ■ 21/03/2013