Histoire mondiale du bonheur
DURPAIRE François (Sous la direction), Éd. Cherche Midi, 2020, 443 p.
Si le développement personnel en a fait son sujet central, sa quête est aussi ancienne que notre espèce. Pour autant, ses représentations sont multiples. Il est dans la satisfaction immédiate pour les hédonistes grecs, mais différée pour les eudémonistes. Pour les stoïciens, c’est la vertu qui y conduit alors que pour les épicuriens, elle en est le produit. Niché dans le jardin secret de chacun pour les Japonais, dans la réalisation personnelle pour les bouddhistes ou spirituelle en Inde, le bonheur est avant tout synonyme de longue vie, d’aisance matérielle et de descendance prolifique pour les Egyptiens de l’antiquité. La civilisation chrétienne imposera la croyance qu’il n’est pas de ce monde mais dans l’au-delà, incitant à accepter ses souffrances ici-bas. La découverte des peuples premiers du nouveau continent rebat les cartes : n’ont-ils pas préservé le paradis terrestre perdu, l’Eden disparu ? La philosophie des lumières le met au cœur des débats : il tient dans l’éducation reçue (Rousseau) et reste le seul devoir qui vaille (Diderot). La Constitution de 1776 qui préside à l’indépendance américaine et celle 1794 proclamée par la révolution française en font le but suprême du gouvernement. L’Etat social proclame se battre contre le malheur, quand les Touaregs ne le conçoivent que dans la mobilité et les amérindiens dans le don à autrui. Il faudra attendre les années 1960 pour l’identifier à la possession des biens matériels, ouvrant à une civilisation de la profusion du désir marchandisé, otage de la croissance du PIB. Le bien-être reste aujourd’hui encore un objet labile et flou aux dimensions éminemment subjectives allant de la sagesse en Asie, jusqu’au rêve en Océanie, en passant par le plaisir en Europe, le partage en Afrique et l’harmonie en Amérique.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1307 ■ 14/12/2021