Le monde ne t’appartient pas

MAUSSION Kevin, Auto-édition, 2024, 295 p. - 15€

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Voilà un récit de vie qui sort de l’ordinaire. A près de 40 ans, l’auteur a voulu retracer ses premières années de jeune adulte. Et cette expérience de jeunesse n’a rien de banal.

Qu’est-ce qui pousse un tout jeune homme à aller visiter le monde ? Rien de curieux en la matière pour une certaine jeunesse contemporaine confrontée lors de son cursus de grandes écoles à un stage de six mois à l’étranger. Rien de tel pour l’auteur. La motivation qui l’a incité à prendre la route relève d’une attirance improbable : le retour à ses racines.

Pas celles des générations qui l’ont précédé : il est natif de Vendée ! Non, cela va bien plus loin. Notre espèce aurait émergé il y a 300 000 ans, mais des découvertes successives tendent à retarder toujours plus cette date. Ce que la science affirme aujourd’hui plus sûrement, c’est que le berceau de la naissance de notre humanité est bien situé sur le continent africain. Voilà notre jeune homme, à peine majeur, bien décidé à fouler la terre de ses très lointains ancêtres.

A cet étonnant, mais fort sympathique objectif, s’en rajoute un autre non moins empathique. Contrer ce racisme qui dénigre et discrimine l’autre, sans chercher à le connaître, ni faire le moindre effort pour aller à sa rencontre. Conscient des dégâts causés par cette « différence qui a causé tant de souffrance au peuple noir », Kevin Moussion est alors bien décidé à « se faire un avis que je ne lirai pas dans les livres » (p.199).

Mais pas question de prendre un avion, comme tout bon toubab qui se respecte. La route il vont la faire avec sa bande de potes à bord d’un camion Renault Master allongé, bringuebalant car à peine sorti de la casse, mais remis en état avec l’aide de son père garagiste. Sa première expédition sera humanitaire. Ce sera la Sénégal. Les voilà chargés de matériel réparti sur place par les chefs de village sous la supervision du Secours Populaire qui parraine leur voyage.

Le sud de la France, l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie, c’est un long chemin semé d’embûches. Pannes mécaniques ou crise de paludisme, négociations aléatoires avec les douaniers ou contrôles par des militaires auraient pu interrompre le périple. Mais, c’était sans compter sur cette hospitalité encore vive en Afrique. Ces familles se disputant pour avoir l’honneur de les héberger, ces mécaniciens se démenant pour réparer le véhicule en panne, cette solidarité active de la part d’inconnus croisés par hasard pour permettre de continuer son chemin, fut-ce en charrette, en pirogue ou en faisant du stop…

Qu’il est difficile ensuite de retrouver la vie occidentale. Laisser couler l’eau de la douche quand elle est si précieuse au Sahel ou déjeuner seul devant son assiette quand là-bas c’est directement dans un plat commun que l’on partage son repas. Ce n’est pas l’appel du large qui incita l’auteur à repartir, mais le besoin de cette fraternité qui dépasse la couleur de peau, la religion et les coutumes. Et de repartir cinq fois d’affilés tant pour convoyer des motopompes, de jeunes pousses ou de l’engrais. Mais aussi pour organiser un « Père noël vert » avec les enfants talibés (jeune en errance vivant de l’aumône) en leur apportant des vêtements.

Pourtant, très vite, Kevin Moussion mesure combien tout est possible en Afrique si l’on fait participer les personnes. Ce sera son ultime aventure en Afrique : monter un groupe de musique avec ses copains sénégalais et se produire à un festival organisé par le Sidaction.

Aujourd’hui, chargé de famille, il lui reste tant de souvenirs qu’il garde en mémoire… et à présent sur papier. Suivre l’itinéraire de ses périples décrits d’une belle plume permettra au lecteur de partager sa conclusion. Pour réparer le monde, affirme-t-il, il faut « de la couleur, du partage, de la compassion, des différences, de la reconnaissance, beaucoup d‘amour et un profond respect ». Profession de foi que nous serons nombreux à partager !