Boulots de merde! Du cireur au trader, enquête sur l’utilité et la nuisance sociale des métiers
BRYGO Julien et CYRAB Olivier, Ed. La Découverte, 2018, 248 p.
Les boulots de merde ont envahi la sphère du travail. Mais où commencent-ils et où finissent-ils ? Les deux auteurs, eux-mêmes journalistes précaires, dressent ici un tableau assez ahurissant des conséquences de la dérégulation sociale. Rémunération rachitique, contrats dégradés ou inexistants, dureté de la tâche, discrimination, despotisme de l’employeur, non respect de la dignité humaine, précarité, entraves aux droits syndicaux : les critères objectifs de cet état de fait ne sont guère difficiles à établir. Il ne s’agit pas là de dérapages ponctuels, mais bien d’une stratégie à long terme qui porte un nom : le « lean management ». Cette approche de la gestion entreprenariale visant à l'excellence opérationnelle se traduit surtout par la limitation des temps de pause, la chasse aux moments superflus, la suppression des respirations considérées comme improductives. Les exemples de ces pratiques fourmillent. Les temps de déplacement des aides à domicile entre deux clients non comptabilisés comme période de travail, quelle que soit la distance à parcourir. Les livreurs à domicile en vélo, établis en auto entreprises, payés comme prestataire à la livraison, quelles que soient les conditions de circulation. Les distributeurs de prospectus dans les boites aux lettres, soumis à la pré quantification de leur travail largement sous-évalué de 30 %. Les jeunes en réinsertion, allocataires des minima sociaux désireux de ramener un petit complément, étudiants pris à la gorge par un loyer trop élevé, mères isolées ne trouvant pas de meilleure solution pour nourrir ses gosses, retraités ne s’en sortant pas… ils n’ont guère le choix ces salariés qui sont les plus victimes du stress et des risques psychosociaux.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1252 ■ 28/05/2019