La créativité au travail
AMADO Gilles, BOUILLOD Jean-Philippe, LHUILIER Dominique, ULMANN Anne-Lise (sous la direction), Ed. érès, 2017, 407 p.
Comment associer travail et créativité, quand le salariat les rendent si souvent incompatibles ? Cet ouvrage collectif apporte, à côté de beaucoup de bavardage insipide, des réponses essentielles et riches. Il y a toujours un écart entre le travail prescrit et le travail réel. L’imprévu, l’inattendu et l’inopiné nécessitent l’ajustement et le détournement des procédures, la labilité et la recomposition de ce qui était programmé, la singularisation et renormalisation du geste. C’est dans ces interstices que le sujet s’affirme dans une activité qui lui est propre, à travers laquelle il se réalise. Cet art de faire, ce bricolage et cette intelligence métis sont au coeur de cette créativité qui articule imaginaire et réel, rationalité et sensibilité, répétition et variation, limites et dépassements, instrumentalités et éthique, passé et futur. Elle ne peut que s’épanouir dans la confrontation aux difficultés, la nécessité de trouver des solutions à des problèmes et du sens à ce que l’on fait. Le discours du management prétend valoriser l’autonomie et la créativité. Mais, les forces créatrices ne peuvent s’épanouir que dans l’opposition aux règles établies. Et dans sa volonté de préserver la subordination du salarié, le capitalisme n’a de cesse de lui imposer des méthodologies, des « bonnes pratiques » et des protocoles qui se substituent à son savoir-faire, à ses compétences et à ses valeurs personnelles. Ne comptent plus que le diktat du chiffre, la performance quantitative et le contrat d’objectif. La disparition de la solidarité et de la socialisation qu’apportaient la reconnaissance par les pairs, le collectif et l’élaboration en commun fragilise et précarise subjectivement le salarié dans sa capacité de créativité.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1252 ■ 28/05/2019