Le refus du travail

FRAYNE David, Ed. du Détour, 2018, 300 p.

Notre société est centrée sur le travail, source de revenus, d’identité et de reconnaissance. Pourtant, il n’en a pas été toujours ainsi. Longtemps, il fut considéré comme une affliction indigne de tout homme libre.

Tout un courant de pensée critique en revisite l’expression moderne. Si le travail représente potentiellement une opportunité de créativité, de satisfaction et d’enracinement dans le monde, la manière dont il est organisé conduit souvent à lui ôter toutes ces qualités. Il peut cumuler éreintement et avilissement, provoquer l’ennui et la souffrance, produire aliénation et anxiété.

Et pourtant, l’emploi reste la seule norme admise. La médecine a le pouvoir d’en exonérer provisoirement. Le chômage, quant à lui, est considéré comme un état déficient contraire à la normalité et assimilé à une forme de fainéantise. Toute activité sortant de la contribution économique est invalidée : seul compte ce qui peut être comptabilisé en tant qu’échange marchand. Le marché enchaîne les travailleurs : la rémunération du temps passé au travail génère, en compensation, le besoin de consommer qui induit, à son tour, la nécessité de travailler toujours plus, pour augmenter ses revenus.

Et si l’on mettait l’accent sur le bien-être, plutôt que sur la mesure de la production économique ? Cela passerait par la valorisation du temps libéré et des loisirs, privilégiant des activités favorisant l’autonomie (reprendre le contrôle de son existence), l’auto préservation (ne pas perdre sa vie pour la gagner) et un autre rapport au monde (découplant la réussite du seul enrichissement). Bien sûr, résister au travail comporte des risques (détresses financières, sanction sociale) réduisant d’autant la marge de manœuvre. L’auteur propose des pistes tant individuelles que sociétales pour enfin savourer le plaisir de vivre.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1264 ■ 07/01/2020