A la ligne. Feuillets d’usine
PONTHUS Joseph, Ed. La Table Ronde, 2019, 266 p.
Après 10 ans passés comme éduc de rue en région parisienne, Joseph Ponthus déménage à Lorient. Mais là, point de travail, mises à part quelques directions de séjours de vacance adaptée. Alors, il accepte des missions intérimaires comme prolo.
Tout commence par cette usine de transformation de poissons et de crustacés. Au programme de la journée : au choix (!) cuire et préparer dix milles couronnes de crevettes ou trier et encaisser dix tonnes de sardines dans des bacs en polystyrène, ou encore les vider, les écorcher et les découper. Trimer de 20h30 à 5h30, dans le froid et cette puanteur de mort, de vase et de rat crevé qui vous colle aux cheveux.
Ce travail va lui sembler finalement gentillet, inoffensif et doucereux, quand il est affecté au nettoyage de nuit d’un atelier de découpe de porc. Masque à gaz et tuyau haute pression à la main, il doit lessiver des surfaces rouges de sang et blanches de gras, repoussant les lambeaux de peaux et les groins, les pieds et les mamelles, sans oublier les oreilles douces et poilues. Mêmes rituels et mêmes gestes automatiques, mêmes douleurs physiques et mêmes cauchemars le réveillant en sueur.
On est loin des réunions d’éducs se penchant autour d’un café sur des situations inextricables : « ma vie ne sera plus jamais la même » (p.163) Un témoignage cru et réaliste qu’il faut lire en hommage à tous les ouvriers qui triment dans ces bagnes modernes.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1264 ■ 07/01/2020