Emploi : éloge de la stabilité. L’Etat social contre la flexibilité

Christophe RAMAUX, Mille et une nuits, 2006, 320 p.

Voilà un ouvrage à surtout mettre dans toutes les mains, à lire, à relire et à faire lire. L’auteur y propose une argumentation économique anti-libérale, claire, cohérente qui a le mérite d’être didactique et pédagogique. Que nous explique Christophe Ramaux ? Les thèses défendant l’idée d’une flexisécurité ou sécurisation des parcours ou des trajectoires professionnelles s’appuient sur l’hypothèse d’une précarisation massive du travail. Or, rien de plus faux que cette idée largement répandue. Au cours des vingt dernières années, non seulement, l’ancienneté moyenne dans l’emploi dans l’ensemble des pays industrialisés est restée stable, mais elle s’est même légèrement accrue en France : de 9,5 années en 1982 à 11,1 ans en 2000. Cela veut dire que dans notre pays, 70% des salariés en poste y restent 10 ans ou plus et 60% 15 ans ou plus. Rien d’étonnant à cela. Les entreprises ne peuvent gagner en productivité qu’en s’appuyant sur l’expérience sur le poste de travail. En outre, les modèles productifs qui s’imposent relevant de plus en plus du management participatif requièrent l’autonomie et la responsabilisation des salariés, leur participation et leur confiance. Sans compter que le travail est appelé à devenir de plus en plus complexe. Toutes choses qui ne se prêtent guère au travail jetable ou à son instabilité généralisée… Si l’insécurité sociale s’accroît, c’est du fait de la remise en cause de l’Etat social et la croissance du chômage. La théorie dominante en matière d’emploi emprunte à la logique libérale qui prétend que ce chômage serait du au coût du travail. L’Etat ou les syndicats, en imposant un salaire minimal, un droit du travail rigide et une protection sociale dispendieuse contribueraient à réduire la productivité et la compétitivité et ainsi nuiraient aux créations d’emploi. L’essentiel des politiques économiques a donc consisté depuis vingt ans à réduire les charges sociales des employeurs. Cette orientation est un échec complet. Plusieurs logiques cumulatives l’expliquent. Les emplois subventionnés auraient été créés de toute façon (effet d’aubaine). Les emplois aidés se sont substitués aux emplois qualifiés (effet de substitution). Les entreprises remplacent un emploi subventionné par un autre emploi subventionné (effet de rotation). Les salariés aidés restent enfermés dans le dispositif de l’emploi aidé (effet de stigmatisation). Les économiste keynésiens défendent une toute autre vision : le chômage n’est pas du au coût du travail, mais à la faiblesse de la croissance. Réduire le coût du travail ne peut faire qu’aggraver la situation. Tout au contraire, des politiques visant au soutien à la consommation des ménages sont susceptibles de relancer l’économie et donc de créer de l’emploi. Tel le transfert des 17,1 milliards consacrés à l’allègement des charges sociales vers les 15 milliards nécessaires à garantir un minimum de 750 € aux cinq millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°861 ■ 15/11/2007