Des poubelles dans nos assiettes

Fabien Perucca & Gérard Pouradier, Michel Lafon, 1996, 238 p.

Les optimistes n’oseront pas ouvrir les pages de cet ouvrage: « après, on ne voudra plus rien manger ». Les pessimistes, quant à eux, verront ici confirmée leur vision catastrophiste de notre monde. Il est vrai que peu de choses trouve grâce aux yeux de nos deux pourfendeurs.

Un français sur quatre sera atteint d’un cancer avant l’an 2.000. Or, 80% de ces maladies trouvent leur origine dans nos assiettes.

Il y a d’abord cette viande, ces produits laitiers ou ces plantes aromatisées largement contaminés par les retombées de Tchernobyl mais qu’aucune autorité administrative de l’époque n’ont osé dénoncer sous peine de ruiner les commerçants de toute l’Europe.

Il y a ensuite ces deux mille tonnes de mercure déversées depuis 5 ans dans les eaux amazoniennes par les chercheurs d’or et que l’on retrouve dans les mers des quatre coins du monde. En France, alors que la limite acceptable de ce métal a été fixée à 0,5 mg par livre de poisson, des prélèvements aléatoires pratiqués dans les criées par des laboratoires indépendants révèlent des teneurs de 0,6 à 0,8 mg.

Le PCB, neurotoxique violent et cancérigène absolu a été interdit en Europe après avoir été utilisé pendant près de 20 ans, à raison de 8 millions de tonnes. Ce qui n’empêche pas les USA, premier producteur mondial de continuer à en exporter 100.000 tonnes par an dans les pays du tiers-monde. D’autres engrais et pesticides continuent néanmoins à être déversés par milliers de tonnes. Les notices des fabriquants possèdent de bien curieuses indications: « interdiction formelle de détruire ce sac, enterrez-le au moins à 50 mètres de toute habitation et de toute source d’eau potable ». La Fluméquine représente 80% du marché des antibactériens appliqués aux animaux comme aux plantes. Or, on ne connaît pas à ce jour les conséquences à long terme de ce produit qui se retrouve plus ou moins dégradés dans les viscères humains. Les vignobles étaient traités il y a 30 ans pour 15% d’entre eux. En 1995, c’est 95% qui subissent le désherbage chimique, en l’occurrence avec une substance (la Simazine) classée en 1980 par l’Union Européenne comme cancérigène possible.

L’industrie agro-alimentaire utilise quant à elle force colorant, conservateur et autre gomme dont seule l’expérience permet de repérer (et d’éliminer au fur et à mesure) les plus nocifs. Il y a quelques années l’aspartam est venue remplacer massivement le sucre dans les aliments. Or, des études préconisent son utilisation à des cas exceptionnels sous contrôle médical (car cette substance « favorise la dégénérescence précoce: amnésie, baisse de la rapidité des réflexes, tremblements incontrôlables »).

Et l’on pourrait continuer ainsi longtemps: la maladie de la vache folle qui vient de soulever l’opinion publique européenne, semble un bien modeste hors-d’oeuvre dans ce tableau-catastrophe qui nous est servi dans ce livre.

Que se passe-t-il donc ?

Rien de plus simple: la force économique du secteur agro-alimentaire prime tous les impératifs de santé publique. D’un côté, des milliers d’emplois et plusieurs centaines de milliards de francs de chiffre d’affaire, de l’autre quelques milliers de nouveaux cas de cancers par an. N’avons-nous donc pas d’autre alternative que de mourir de faim ou de périr empoisonné ? Les auteurs préconisent une vigilance de tous les instants: action consumériste, encouragement aux producteurs ’’bio’’, boycott des produits dangereux, refus des aliments transformés par les industriels ... en attendant que les responsables industriels ne prennent conscience du manque à gagner que représenterait le fait de trop tuer la poule aux oeufs d’or: les consommateurs !

 

Jacques Trémintin -  Juillet 1996 – non paru