La France malade du travail
Jacques DE BANDT, Christophe DEJOURS, Claude DUBAR, Bayard Editions, 1995, 207 p.
Pour les auteurs, la crise est triple.
Il s’agit tout d’abord d’une phase de transition entre une société industrielle marquée par une forte croissance et un nouveau modèle qui reste à trouver (mais qui assumerait les formes rénovées de technologie, de rapports de production et d’organisation sociale).
La deuxième forme de la crise, elle, est directement liée aux comportements inadaptés des principaux acteurs économiques. Les gouvernements ont successivement adopté des solutions des plus onéreuses qui loin de résoudre quoi que ce soit n’ont fait que dégrader encore plus la situation.
Enfin, troisième forme de la crise: une classique et banale récession dont nous serions sortis depuis fin 1993.
Face à cette triple réalité, la solution couramment pratiquée a consisté à privilégier la toute-puissance du marché: le libéralisme a prétendu résoudre tous les problèmes. Puis d’autres solutions ont été proposées. On a d’abord pensé au redéploiement par les petits boulots, mais les besoins restent quantitativement limités. Puis, la course-poursuite technologique a été engagée, mais les gains de productivité sont de plus en plus faibles au regard des investissements consentis. Les délocalisations ont été dénoncées. Mais, certaines productions à faible taux de main-d’oeuvre ont commencé à être relocalisées. Quant au partage du travail, s’il peut être efficace par certains côtés, il détourne des vrais problèmes. Car, la véritable question qui traverse l’ouvrage de part en part, c’est bien la perte de la place centrale du travail.
L’Economie est devenue le paradis des rentiers et des spéculateurs. Le travail, quant à lui, est méprisé et les salaires sont dépréciés. Ce qu’il faut dès lors c’est ramener la rémunération du capital à sa juste valeur et valoriser le travail réel (et non prescrit), qualifiant (et non parcellaire) et inventif (et non répétitif).
Certes, comme le précisent les auteurs, travailler ce n’est pas seulement produire des biens et des services, c’est aussi se réaliser personnellement tout en occupant une place au sein de la société. Mais, n’y a-t-il pas d’autres possibilités (à inventer) de trouver des formes de reconnaissance sociale qui ne passeraient pas obligatoirement par un emploi qui ne permet que rarement à l’individu de s’épanouir et de trouver en lui-même une forme de bonheur ?
Finalement, beaucoup de yaka et de fokon dans ce livre qui ne dépassent guère le stade des voeux pieux.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°353 ■ 16/05/1996