Le temps de travail, une histoire conflictuelle

François GUEDJ et Gérard VINDT, Syros, 1997, 154 p.

L’histoire amène-t-elle un mouvement inéluctable de baisse du temps de travail ? C’est ce que prétendent nombre d’auteurs qui annoncent la fin d’une époque et l’avènement d’une société de loisirs voire du droit à la paresse. Pourtant parler de l’évolution des positions au fils des années, c’est rappeler que ce concept n’a pas la même signification selon les époques. Très longtemps, l’activité salariée est restée minoritaire. L’agriculteur ou l’artisan ne comptaient pas ses heures d’activité comme le font l’ouvrier ou l’employé. Le travail a commencé à être comptabilisé à la journée. C’est à la fin du XIX ème siècle que l’on parle de la semaine. Quant au calcul à l’année, il n’intervient pas avant la seconde guerre mondiale.

Au fil des années, on retrouve des positions parfois constantes, parfois évolutives sur cette question. Du côté des patrons, il y a toujours eu des résistances s’appuyant sur des arguments techniques (application impossible) et économiques (affaiblissement face à la concurrence). Seule une minorité en a accepté le principe sous réserve d’une amélioration de gains de productivité. La concession n’a été faite qu’en période forte tension pour garantir la paix sociale (comme pour la journée de 8 heures en 1919 ou les 40 heures en 1936). Du côté des ouvriers, des réticences sont apparues très tôt: la limitation de la journée de travail signifiait alors une perte de revenus intolérables. Puis la revendication est devenue emblématique notamment suite à la répression sanglante de la première mobilisation du 1er mai en 1886. La réduction du temps de travail ne peut être abordée sans que ne soient évoqués les penseurs utopiste et le tout premier d’entre eux, Thomas More qui prônait en 1516 un horaire quotidien de 6 heures. Ce sont l’ensemble de ces aspects que développent François Guedj et Gérard Vindt. Ils rappellent que depuis 1870, le Produit Intérieur Brut de la France a été multiplié par 14, la productivité horaire par 20, la population active salariée par 4, tandis que le temps de travail était divisé seulement par 2. Ce qui est remarquable, ce n’est donc pas tant la diminution du temps de travail que l’extraordinaire résistance opposée à ce mouvement. Le mouvement semblerait même s’inverser avec l’allongement auquel on assiste tant aux USA qu’en France (dans le secteur clandestin). En fait, l’histoire montre que plusieurs facteurs sont nécessaires pour concrétiser ce progrès: forte hausse de la productivité, luttes ouvrières résolues, prise de conscience de patrons pionniers.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°408 ■ 04/09/1997