Médecin-chef à la prison de la santé

Véronique VASSEUR, Le  cherche midi éditeur, 2000, 202 p.

Le livre de Véronique Vasseur a fait mouche. Une de la presse, tête des ventes, pétition des VIP ayant subi récemment une incarcération réclamant une réforme, commission d’enquête décidée à l’unanimité par les députés, bientôt suivis par les sénateurs, annonce ministérielle de mesures radicales. Pourtant, cette publication n’intervient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Des cris d’alarme, il y en a eu de poussés, ces dernières années. Est-ce la goutte qui fait déborder le vase ? Est-ce la fonction particulièrement élevée de l’auteur (médecin-chef) qui impressionne ? Peu importe la raison. Ce qui compte, c’est que cette fois-ci, les choses semblent vouloir bouger. Et, nous ne pouvons que nous en réjouir ! Véronique Vasseur intègre la prison de la Santé en 1992. Elle est nommée médecin-chef en 1993. Mais les années qui passent ne vont apaiser ni ses émotions, ni ses écœurements, ni ses révoltes. Son livre conçu comme un journal de bord nous fait découvrir un univers impressionnant de brutalité, de violence et de mépris pour la condition humaine. La prison de la Santé, c’est d’abord une odeur intenable où se mêle le moisi, le salpêtre, le tabac, la sueur et l’urine. C’est aussi une saleté épouvantable, la crasse partout, les carreaux cassés, la vétusté, des détritus au sol, des bêtes diverses (gros rats, cafards, souris). C’est encore les murs des cellules suintant d’humidité des chasses d’eau déglinguées débordant de moisissure verte, une nourriture infecte servie toujours froide et souvent remplie de mégots ou de cafards (et qui ne coûte que 17 F par jour à l’administration). Maladies de peau, affections respiratoires, stress, folie … les détenus n’ont parfois comme seule perspective que d’en finir en se pendant, s’ouvrant les veines ou se tranchant la gorge. A moins, qu’ils essayent d’obtenir une hospitalisation en avalant n’importe quoi à l’image de ce détenu venu consulter pour perte d’appétit : « Radio et, stupéfaction ! une cuiller à soupe est en travers de l’estomac, suivie d’une fourchette ; au niveau de l’intestin, un trousseau de cinq clés, une dizaine de pièces de vingt centimes et un paquet de lames de rasoir. » (p.34) Véronique Vasseur ne peut rester indifférente. Elle confie à ceux qui viennent la voir des petits pots  servant initialement à recueillir l’urine. Elle les enverra au directeur remplis de la vermine que les détenus auront recueillie dans leur matelas. Elle obtiendra ainsi que ceux-ci soient changés. La prison évolue pourtant, même si c’est bien trop lentement. Ainsi, de la suppression du costume pénal en 1985 : il avait la texture d’un scotch-britt. En 1994, le service médical est rattaché à l’assistance publique. Elisabeth Guigou a annoncé un crédit de 500 millions de Francs pour la rénovation de 5 prisons dont La santé.  « Merci beaucoup, Madame la Ministre, mais faites vite… Il reste tant à faire. » (p.199)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°530  ■ 04/05/2000