Punir, restaurer, guérir. Regards croisés sur la justice restaurative
ROGNON Frédéric et DEYMIÉ Brigitte (sous la direction), Ed. L’Harmattan, 2014, 168 p.
Peu connue en France, la justice restaurative a été imaginée et élaborée par des pratiquants de confession mennonite. En tout bien tout honneur, il est donc légitime de donner d’abord la parole aux théologiens. C’est ce que fait ce petit ouvrage, en s’ouvrant sur un exercice d’exégèse portant sur les racines bibliques de la notion de restauration. Mais que le lecteur se rassure : on ne se limite pas ici à une dimension propre à ravir les croyants et à barber les mécréants. L’essentiel du propos est d’ordre philosophique et criminologique, laissant en outre une large place à l’application de cette approche en Belgique. Cent fois sur le métier, il faut remettre l’ouvrage pour présenter cette troisième voie pénale. Là où la logique actuelle cherche à identifier la loi qui a été enfreinte, l’auteur de cette infraction et ce qu’il mérite, la justice restaurative s’intéresse, elle, à qui a été victime, à ce que sont ses besoins et quelles sont les obligations à son égard. Cet autre regard a donné naissance à un certain nombre de pratiques innovantes. Ainsi de la médiation victime infracteurs conçues au Canada, dans les années 1970, mais aussi des commission vérité réconciliation crées en Afrique du Sud après la fin de l’apartheid ou encore des rencontres détenus victimes initiées récemment en France. Quant aux « cercles de détermination de la peine » ou des « conférences du groupe familial », ils sont renouent avec des traditions très anciennes, s’inspirant directement des formes judiciaires des peuples d’Amérique du nord ou des Maoris de Nouvelle Zélande. La philosophie à l’œuvre ici renonce à des postures de justification/réfutation d’un côté et de défense/contestation de l’autre au profit d’une analyse et reconnaissance réciproque associant les deux parties, permettant le rétablissement du lien social.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1155 ■ 22/01/2015