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KLEIN-DONATI Fabienne, Éd. Equateurs, 2021, 204 p.

Le parquet détient un privilège considérable : l’opportunité de poursuites. C’est lui qui décide si une infraction à la loi pénale doit ou non faire l’objet d’un jugement. Ce n’est pas l’intérêt de la victime qui prévaut, même si elle est prise en compte, mais celui de la société.

Une équipe de parquetiers, substituts du procureur, se relaie 24 heures 24, 7 jours sur 7, permanence à disposition des forces de l’ordre qui les interpellent en direct pour savoir quelle suite donner à une interpellation, à un flagrant délit ou une enquête. Mais aussi pour être autorisées à poursuivre leurs investigations en procédant à une perquisition, des écoutes téléphoniques ou une géolocalisation. Travail enrichissant mais éreintant que nous décrit Fabienne Klein-Donati, donnant ainsi à voir le travail au quotidien de ces magistrats.

Son territoire de compétence est constitué par l’un des départements les plus pauvres de France : la Seine Saint Denis. Impossible de traduire devant le Tribunal correctionnel les auteurs de 3 500 vols à l’étage ou les 800 usagers de stupéfiants. Fin, 2018, on comptait 250 000 affaires pour moins de 300 officiers de police judiciaire ! Dans ces 9-3, tout relève du traitement prioritaire : les trafics, l’habitat indigne, les discriminations, les agressions, mais aussi cette délinquance des mineurs et cette enfance en danger qui tient à cœur de cette ancienne juge des enfants.

Le choix pour un jeune de ne pas devenir délinquant est difficile, explique-t-elle. Les règles du quartier s’imposent à lui. L’auteure en convient : il est impossible de stopper les trafics qui assurent une certaine subsistance aux plus pauvres, juste les contraindre à se déplacer … Pour beaucoup de mineurs l’a loi n’a pas disparu : elle n’a jamais existé !

Bobigny n’est pas célèbre seulement pour les infiltrations d’eau dans son palais de justice, quand il pleut. C’est aussi là que sont jugées les affaires d’enfants de Djihadistes atterrissant à l’aéroport tout proche. Un suivi éducatif sur mesure leur est assuré, dont ne bénéficient pas forcément les autres enfants maltraités.

Derrière chaque individu, il y a une histoire et un contexte qui permettent de mesurer la genèse de la transgression, ses conséquences et la décision à prendre : poursuivre, classer sans suite ou proposer une alternative.