Le glaive sans la balance

LAMEYRE Xavier, Ed. Grasset, 2012, 223 p.

Depuis une vingtaine d’années, l’État français s’est doté d’un arsenal répressif considérable tant policier, que judiciaire ou pénitentiaire. A la suite de la mise en application du nouveau Code pénal en 1994, près de 100 lois sont venues aggraver les sanctions : une dizaine sous le gouvernement Juppé, une vingtaine sous le gouvernement Jospin, une trentaine sous les gouvernements Raffarin et Villepin et une quarantaine sous le gouvernement Fillon. Prisonniers de l’émotion et d’une « nomorrhées » (diarrhée législative consistant à voter une loi, en réponse à chaque fait divers), les politiques au pouvoir n’ont eu de cesse de laisser libre court à une invraisemblable frénésie et à une incroyable rage sécuritaire, destinées à punir toujours plus sévèrement un nombre toujours plus important de comportements. Multipliant les fichiers d’identification, utilisant de plus en plus une troisième voie pénale qui permet de condamner sans débat contradictoire, décuplant le nombre de circonstances aggravantes qui renforce la répression de l’atteinte aux biens et aux personnes, alourdissant la répression des infractions existantes, développant l’abattage des comparutions immédiates … toujours plus de personnes sont fichées, surveillées, arrêtées, condamnées et longuement emprisonnées. Et encore, si l’excès de ces lois pénales, votées à la hâte, se traduisait par une meilleure sécurité. Mais, il n’en est rien. Dans le même temps où le législateur aggravait le quantum des peines, les condamnations pour violences volontaires aux personnes bondissaient de 4 % à plus de 10 % des décisions judiciaires. La doctrine fondée sur l’inflation punitive et la densité carcérale signe là son inefficience, son inefficacité et son échec. Certes, le Code de procédure pénale compte dorénavant 2.805 pages, contre 1.452 en 2000. Mais, le taux d’application des dispositions nouvelles ne dépasse par les 3 %. Certes, le pourcentage de réponse pénale est passé de 64,9 % en 1998 à 87,7 % en 2009. Mais, la récidive s’est accrue de 76 %. Certes, le budget du ministère de la justice a augmenté de 50% en dix ans. Mais, il a été quasiment absorbé par le coût de la construction des nouvelles prisons. Certes, de nouveaux établissements pénitentiaires ont été créés. Mais, ils sont déjà dans l’incapacité d’absorber les 82.000 peines de prisons en attente, représentant 1,6 fois le nombre de détenus déjà incarcérés (entre 1995 et 2005, les peines supérieures à cinq ans ont quadruplé et les perpétuités ont triplé). La seule répression s’est montrée incapable de freiner, et encore moins d’arrêter la délinquance. Quand l’auteur rappelle que le budget alloué à la réinsertion des sortants de prison est vingt huit fois moindre que celui dédié à l’incarcération, la messe est dite.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1087 ■ 20/12/2012