L’enfant, l’adolescent et les libertés - Pour une éducation à la démocratie

Christian VOGT, Reynald BRIZAIS, Christian CHAUVIGNE, Yann LE PENNEC, L’harmattan, 2000, 160 p.

Il a fallu beaucoup de temps pour que s’impose la reconnaissance de l’enfant. Après Sénèque qui jugeait raisonnable de noyer les débiles et les faibles ou l’église qui considérait que l’enfant portant en lui la trace du pêché originel, cela justifiait l’emploi de la sévérité et des méthodes fortes, il a fallu attendre la Convention pour qu’un projet politique (d’ailleurs, jamais concrétisé) le respecte enfin. « On ne naît pas citoyen. On le devient »  affirmait Spinoza. Quatre siècles après cette affirmation, on hésite encore dans l’art d’amener le petit d’homme à la citoyenneté. Certes, l’éducation autoritaire et contraignante a cédé la place à la prise en compte de son développement et de son expression. Pourtant, autoritarisme et permissivité reste le dilemme essentiel des adultes sans que l’inscription de l’enfant dans la cité ne soit clairement posé. Trop souvent encore, les appels lancés à la participation des jeunes recouvrent la volonté de les faire adhérer à des projets pour eux mais conçus en dehors d’eux. Ils sont toujours cantonnés au rôle passif de consommateurs. Que les modalités de régulation sociale soient les usages, les habitudes, l’imitation, la force de conviction (fruit de la pression interne à l’individu) ou bien encore les normes et les règles (plutôt l’expression de la pression de la société) le mode d’intervention des adultes reste encore dominé par le contrôle coercitif. La socialisation se mesure alors au degré d’obéissance et à la conformité aux attentes. Or, « l’obéissance, comme stratégie adaptative n’implique pas l’intégration par le sujet des modèles pris en référence » (p.104). Préparer activement l’intégration citoyenne des enfants et des jeunes passe par deux processus. C’est d’abord l’utilisation de la règle. Celle-ci n’est pas là pour éviter le surgissement quotidien des difficultés, mais pour les encadrer dans un espace social dont on a posé les limites. Elle peut être conçue d’une manière unilatérale. Mais, si elle se construit de façon multilatérale que ce soit dans une dynamique consensuelle (en cherchant à obtenir l’accord de tous) ou conflictuelle (c’est la majorité qui tranche), alors, elle perd sa transcendance et démystifie le droit qui devient alors un outil du quotidien permettant de réguler les relations sociales. L’investissement du sujet dans la procédure d’élaboration et de questionnement réglementaire le place dès lors dans une logique d’initiative consciente. Le second processus qu’il convient de mettre en oeuvre, c’est de favoriser l’autonomisation. Cela ne doit toutefois pas se faire en encourageant à ne compter que sur ses propres ressources, mais en apprenant à activer les médiations sociales et à s'inscrire dans des rapports d'échange avec les autres. Telles sont les orientations susceptibles de fonder la citoyenneté de l’enfant et du jeune.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°577 ■ 17/05/2001