Les implicites de la politique familiale : approches historiques, juridiques et politiques

M. CHAUVIERES, M. SASSIER, B. BOUQUET, R. ALARD, B. RIBES, édition Dunod, 2000, 292 p.

Issu d’un séminaire réunissant trente experts et d’un colloque de deux jours, ce recueil de 23 contributions tente d’appréhender la politique familiale dans sa globalité, son histoire et ses fondements. Les allocations familiales sont devenues un acquis incontournable de la société française. Pour autant, elles sont loin d’être universelles, les principaux pays d’Europe ayant de profonds désaccords entre eux quant à la justification de ces prestations. Aux sources de cette originalité hexagonale, il y a une vieille tradition nationaliste qui remonte au XVIème siècle et qui place l’intérêt du pays au-dessus des destins individuels en se prononçant pour une population croissante et une fécondité soutenue. C’est la révolution française qui impulse la première véritable politique familiale (aide aux familles nombreuses, prime de grossesse et de naissance, surtaxation des célibataires). Mais le pays réel connaît une évolution inverse : dès 1861, les générations françaises n’assurent plus leur remplacement. Ce qui ne fait que relancer l’action des groupes de pression qui lancent cris d’alarme sur appels au redressement : seule une France bien peuplée sera capable de tenir son rang notamment face à une Allemagne en pleine croissance démographique. Mais le taux de natalité continue de s’effondrer (31,2 pour mille pour la période 1801-1810, 20,6 pour mille en 1901-1910, 15,5 pour mille en 1931-1939). Si les premières caisses de compensation patronale délivrant une allocation familiale voient le jour en 1918 à Lorient et à Grenoble, il faut attendre 1932 pour que la loi généralise cette pratique. En 1939, est créé le code de la Famille et la natalité française qui regroupe tous les textes des lois en vigueur. En 1942, c’est la loi Gounot qui structure et coordonne les principales organisations familiales. Ces mesures seront toilettées et reprises par le gouvernement provisoire (ordonnance du 3 mars 1945). Depuis la libération, l’essor de la politique familiale n’a cessé de croître. Et si le taux de cotisation a baissé de 16,74% à 9%, la CAF est passée de 5 à 29 prestations, chaque gouvernement ayant voulu attacher son nom à une nouvelle allocation : l’action sociale reste très dynamique et sait s’adapter aux évolutions des comportements. Il ne faut pas confondre les allocations familiales avec ce qu’abusivement, on appelle « les nouvelles solidarités familiales », comme si celles-ci n’avaient pas jamais cessé d’exister et qui sont ces entraides et ces secours intrafamiliaux relevant d’un geste volontaire dégagé de toute contrainte normative. En fait, elles constituent aux côtés des autres prestations sociales cette partie d’un salaire qui est devenu social en ce qu’il ne correspond plus seulement à la rémunération du travail mais inclut  aussi les temps individuels d’éducation, de maladie, de chômage et de retraite.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°575 ■ 03/05/2001