Les hommes politiques sur le divan
Jean-Pierre WINTER, Calmann-Lévy, 1995, 231 p.
La neutralité s'impose dans la relation analysant/analysé. Il s'agit surtout d'éviter que la cure ne déclenche un déchaînement d'angoisse qui provoquerait soit une plus grande inhibition encore soit une libération de forces incontrôlées.
Mais hors de cette relation professionnelle, le psychanalyste a le droit de témoigner de son temps et des hommes qui en font l'actualité. Jean-Pierre Winter s'est essayé à l'introspection d'un certain nombre d'acteurs politiques dont certains postulent au poste suprême. Voilà donc nos candidats déclarés ou potentiels à la présidentielle, visités par la psychanalyse, Freud et Lacan étant appelés à la rescousse pour tenter d'interpréter leur personnalité.
Le premier ressort proposé est celui de l'enfance. S'y retrouvent Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen tous deux ont relaté un événement survenu dans leur jeunesse et qui semble les avoir marqué pour la vie. La première triche en faisant de faux mots d'absence pour l'école. L'apprenant, son père le châtie durement. Devenu adulte, Tapie minimise sa faute d'alors et se couvre de dettes. Comme s'il avait intégré le rôle de celui qui bluffe en permanence mais n'a jamais réussi à combler ce qu'il devait à son père. Même épisode d'humiliation pour Le Pen (pour un vol de gâteau). Mais loin de condamner le comportement paternel, il s'identifie à lui et semble animé d'une haine insatiable, voulant faire payer à d'autres ce qu'on lui a fait !
Pour Lacan, certaines lettres agissent dans la personne comme un puissant causateur d'actes. Ainsi, Jacques Chirac, aux initiales prémonitoires (J.C. = Jésus Christ) se situe dans l'éternel sacrifice au service d'autrui. C'est lui qui en se ralliant à Giscard en 1974, permet son élection. Il travaillera à sa perte en 1981, en donnant pour consigne officieuse de voter Mitterrand. Le voilà en 1993 qui porte Balladur au poste de 1er ministre..., Giscard, lui, reste tiraillé entre ses aspirations à particule et ses aspirations sans particule. Si pendant son septennat, il se présente en col roulé et invite des éboueurs à sa table, il essaiera de faire accroire l'idée qu'il descendrait de Louis XV. Entre les deux, il y a le vide dans lequel il tombera progressivement.
Il y a cette honnêteté que Rocard voudra incarner. Mais l'opinion ne lui pardonnera pas ses compromissions et ses silences au poste de premier ministre, attitude identifiée a son ambition.
Quant à Balladur qui se présente comme "sans imagination", il nous invite à cesser de rêver. Mais cette volonté d'endormir comporte le risque d'un déchaînement de violence au réveil !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°303 ■ 20/04/1995