Mais, qu’est-ce qui passe par la tête des méchants?

Michel Fize, Marabout, 2009, 222 p.

La méchanceté est intemporelle et universelle. Aussi loin que s’étend la mémoire humaine, elle a fait partie des comportements de notre espèce. Ruse, manipulation, raillerie, calomnie, démagogie, domination, humiliation… tout est bon pour se montrer malfaisant. Les animaux en sont exempts, car pour se comporter ainsi, il faut se complaire dans le mal. L’intentionnalité et la préméditation seraient donc les conditions d’une perversité qui fait adopter une attitude méchante, véritable intelligence de l’agressivité. Chacun(e) d’entre nous serait même un peu ou plus ou moins méchant, selon les circonstances et les moments de son existence, ayant au fond de lui un capital de malveillance dans lequel il puise au gré des opportunités. Pour Jean-Jacques Rousseau, l’homme naîtrait naturellement bon, ce serait la société qui l’entraînerait à mal se comporter. Pour d’autres philosophes, comme Hobbes ou Nietzsche, il serait foncièrement mauvais dès sa naissance et toute l’action de la société consisterait à canaliser sa cruauté naturelle. Pour les psychanalystes, deux forces seraient présentes de façon contiguë : les pulsions de vie et les pulsions de mort qui s’affrontent, l’une et l’autre, l’emportant à un moment ou à un autre. Il semble qu’il n’y ait, en la matière, ni déterminisme, ni chromosome particulier et qu’il soit difficile de faire la part des désirs instinctifs et de l’imprégnation culturelle. En fait, il n’existe ni de méchanceté absolue, ni de méchants nés ainsi. L’homme rencontre tout au long de sa vie des contingences qui peuvent développer ses tendances à l’altruisme ou au ressentiment. Il y a ceux qui se comportent de façon malintentionnée dans un mouvement d’humeur réactionnelle après une déception, un chagrin, par haine ou par rancune. Il y a aussi ceux qui utilisent la souffrance des autres comme exutoire de leur propre mal-être. Il y a encore ceux qui vivent dans la jalousie, la peur, la misère, la promiscuité ou la carence affective et qui en nourrissent un sentiment d’amertume et de rancoeur qu’ils veulent faire payer aux autres. Cela ne les excuse ni les uns, ni les autres, car on peut accepter la méchanceté que dans une certaine proportion. Surtout, quand on a à faire à quelqu’un qui ressent une délectation, voire une jouissance face à la souffrance d’autrui. Mais, cela doit nous inciter à comprendre les raisons de cette attitude. Soigner la méchanceté et redonner à la bonté son inaliénable primauté nécessite d’entrer le psychisme du méchant, d’analyser ses motivations et de toucher à sa conscience. Les conduites humaines sont toujours réversibles : le méchant d’hier peut devenir bon. Face à toute frustration qui provoque une réaction de colère, il faut apprendre à la sublimer plutôt que de la retourner contre autrui.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°942 ■ 24/09/2009