La guerre des civilisations n’aura pas lieu. Coexistence et violence au XXIème siècle

LIOGER Raphaël, CNRS Editions, 2015, 238 p.

Cet essai dense et d’une grande richesse conceptuelle renvoie dos à dos tous les différentialismes partisans d’un soi-disant choc de civilisations que l’auteur conteste. Ce qui compte, explique-t-il, ce n’est pas tant la confession, la spécificité culturelle ou la tradition historique naturalisées et essentialisées qui opposeraient l’occident à l’islam, comme blocs identitaires inconciliables, mais la géographie de la frustration et de la colère issue d’un passé remontant au processus de colonisation par l’Europe du reste du monde. Qu’ils soient chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, chamanistes … tous les cultes sont traversés par de multiples courants qui revendiquent pour les uns la capacité d’adaptation et l’interprétation des textes originels aux contextes contemporains et pour les autres la préservation ou le retour aux sources littérales. Plus qu’une guerre de religions, Raphaël Logier identifie l’opposition entre trois polarités qui traversent toutes les confessions et les continents. C’est, d’abord, le spiritualisme qui s’abreuve aux principes de l’épanouissement individuel, de la recherche du bien-être et du contrôle du mental. Il se réfère au rationalisme propre aux populations détentrices d’un capital global important dans les sociétés industrielles avancées. Vient ensuite le charismatisme qui plonge ses adeptes dans la transe et l’extase, leur offrant de transcender leurs souffrances à travers une foi extatique. Il s’adresse à des populations possédant un faible capital global, en recherche émotionnelle forte. Quant au fondamentalisme, il est en quête de la pure origine, rejetant comme impure tout ce qui s’en détourne. Il se centre sur les populations souffrant d’un déficit de reconnaissance et au faible capital symbolique. Seule la conviction d’une même humanité pourra constituer une alternative universaliste.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1188 ■ 23/06/2016