La contre société

Sue Roger, Ed. LLL, 2016, 188 p.

Par son ampleur et sa persistance, la crise a fini par disqualifier la plupart des institutions et de leur pouvoir. La société apparaît moins protectrice, moins solidaire, plus dure, plus violente, plus excluante et plus inégalitaire. Face à la fragmentation, l’éclatement et la déconstruction des collectifs, une contre société émerge à travers le monde, en réaction au repli sur soi et à l’absence d’une perspective d’avenir. Alors que le pouvoir vertical se vide peu à peu de sens et de légitimité, un fonctionnement horizontal le supplée. L’évolution du lien social est marquée par la montée en puissance de l’individu relationnel. Sous la forme d’abord d’un mouvement associatif qui irrigue de plus en plus la vie citoyenne. Avec 20 millions de bénévoles et 1,9 million de salariés dans 1,3 millions associations, le mouvement s’accélère : 70.000 créations par an, contre 20.000 dans les années 60. Ce n’est plus l’institution ou la tradition qui entraîne l’engagement, ce sont les citoyens qui s’engagent concrètement, dans une démarche de proximité, avec la volonté d’utilité et d’efficacité. Seconde évolution majeure, l’explosion d’internet qui symbolise et facilite la mise en réseau perpétuel et universel de l’individu connecté. Il n’y a plus de domaine réservé de la culture. Chacun peut s’exprimer, faire valoir sa propre expérience et ses propres connaissances. On n’apprend pas les mêmes choses et de la même façon quand on a tout le savoir du monde, à portée de main ou de clic. Troisième mutation, cette économie collaborative qui transforme la consommation et les relations entre producteurs et consom’acteurs : troc, partage, désintermédiation, échanges circulaires, modification des codes et des règles d’usage. L’autre monde est déjà là : les nouveaux modes relationnels coopératifs et associatifs vont s’imposer.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1228 ■ 03/05/2018