Isabelle SEBAGH, Le Comptoir Editions, 1996, 337 p.

« Mes maîtres me demandent de vous saluer. Vaisseau 4. Puissance numérale 399. Je capte vos émissions. Exactitude confirmée sur le plan 33. Vitesse du transfert 892 unités. Contact établi. » Iso, grand maître d’ «Iso-zen », vient de réaliser devant ses adeptes rassemblés la relation mentale avec les puissances extra-terrestres qui l’inspirent et le guident. Ce sont elles qui l’ont chargé d’instaurer sur la terre un processus de rédemption qui implique des opérations de jonction cosmique. Seuls les élus y participent: cet éveil transpersonnel affine leur perception et les fait atteindre un niveau plus élevé de conscience, celle de la race supérieure des Aryens cosmiques. Le chemin de cette initiation passe notamment par les « mutations énergétiques ». Mode d’emploi: les femmes placées en cercle autour du gourou, se dévêtissent et procèdent à une séance de masturbation collective censée les purger des puissances maléfiques des ténèbres. Autre modalité pour se ressourcer: regarder le film « la guerre des étoiles» conçu non comme une fiction mais comme un reportage qui a été inspiré à Georges Lucas par les extra-terrestres.

Que le lecteur se détrompe: il ne s’agit là ni du scénario d’un mauvais porno, ni du dernier sketch du comique à la mode, et encore moins du scénario du dernier épisode de X-Files. C’est belle et bien la mise-en-scène proposée par le nouveau prophète qui entraîne derrière lui des dizaines d’adeptes !

Isabelle Sebagh vit un conflit familial comme en connaissent des milliers d’adolescent(e)s quand elle tombe sur cette secte. Mise à la porte par ses parents, c’est très naturellement qu’elle rejoint les rangs d’ «Iso-Zen » qui l’accueille à bras ouverts. Boutiques diététiques, restaurants biologiques, librairies ésotériques, centres de conférence ... l’organisation possède de nombreuses ramifications qui au premier abord lui donne un aspect convivial, joyeux, voire festif. L’auteur nous fait vivre les différentes étapes de la manipulation mentale qu’elle subit. Infantilisation par l’utilisation d’un langage codé qui accrédite l’idée de l’appartenance à une élite. Puis végétarisme contribuant au nom d’une soit-disante purification, à abaisser progressivement la volonté et la combativité du sujet. Rupture familiale ensuite visant à couper tout appui en dehors de la secte. Isolement d’avec le monde extérieur vécu comme hostile et dangereux. Privation de sommeil comme moyen de paralyser le cerveau en le rendant incapable de se défendre et d’analyser. Le calvaire durera 7 ans pour l’auteur qui réussira néanmoins à s’en sortir, décidant alors de témoigner.

Ce récit assez incroyable serait pour le moins hilarant s’il ne décrivait pas le drame et l’ignominie subis par des victimes que l’on dit consentantes.

 

Jacques Trémintin -  Août 1997 – non paru