Terreur dans l’hexagone. Genèse du Jihad français
KEPEL Gilles et JARDIN Antoine, Ed. Gallimard, 2015, 352 p.
Privilégiant le rappel chronologique et très factuel de la montée du Djihadisme en France, l’ouvrage déçoit le lecteur en attente d’une compréhension. Quelques descriptions permettent néanmoins de poser les bases d’une analyse que l’on trouvera ailleurs. Ainsi, de la précision quant à la proportion d’un pour trois ou quatre chez les intégristes, entre les enfants de l’immigration et les jeunes convertis. Mais aussi, le rappel bienvenu de la composition des jeunes issus musulmans issus de l’immigration où l’on retrouve une population stigmatisée et délaissée certes, mais aussi une élite diplômée. Autant d’éléments évitant ainsi la simplification de la question. Les auteurs proposent une temporalisation fort intéressante dans le déploiement tant du culte musulman que de son excroissance extrémiste. La première génération de l’islam est celle des immigrés emportant avec eux une religion qu’ils pratiquent dans leur intimité. La seconde renvoie à des principes religieux revendiqués, comme la réappropriation d’une identité menacée par la logique assimilatrice. La troisième, enfin, s’appuie sur les mutations foudroyantes du monde digital pour constituer des communautés virtuelles sur internet. L’islamisme s’est déployé, lui aussi, en trois temps : celui d’un salafisme prosélyte prônant le retour à la pureté de la croyance ; le modèle pyramidal d’Al Quaïda ; enfin celui que nous vivons aujourd’hui : le djihadisme réticulaire, en rhizome passant sous les radars de l’ennemi et retournant contre lui ses propres enfants adoptifs ou naturels. L’ouvrage décrit, année après année, la période de sanctuarisation de notre pays, entre 1996 et 2012, à laquelle succède une radicalisation progressive d’une infime minorité se développant sur le terreau fertile de l’épuisement des efforts pour retisser les liens et des déceptions de l’espoir né dans les banlieues.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1188 ■ 23/06/2016