Médiation cognitive des apprentissages
Cahiers de l’Actif, n°328/329, 2003, 214 p.
Toutes les théories pédagogiques s’accordent sur un même consensus : la thèse d’un être humain naissant dans l’incomplétude. Le bébé qui vient au monde n’est que le descendant inachevé d’une espèce inachevée. Le petit d’homme est condamné à apprendre et à produire avec d’autres les moyens de son adaptation au monde. Cette capacité à l’apprentissage cognitif est une propriété en puissance présente chez chacun(e). Mais, pour la générer, il faut la solliciter. Les formes que vont justement prendre ces processus d’acquisition ne procèdent pas d’une essence rationnelle d’ordre biologique ou universel mais sont subordonnées aux différentes cultures et à ce que chaque système social décide d’honorer et de valoriser parmi tous les possibles. Mais dans tous les cas, il y a médiation possible entre l’apprenant et l’objet de l’appropriation. L’être humain est un être de connaissance et toutes ses relations au monde sont transaction cognitive. Dit autrement, toute intelligence est éducable. La médiation cognitive des apprentissages préconise de faire jouer à l’individu un rôle actif et moteur, en lui faisant abandonner la traditionnelle passivité, prendre conscience de ses capacités à produire des connaissances sur le réel et à résoudre des problèmes. Ces applications dépassent largement le champ de l’enseignement. On en trouve aussi des illustrations dans le travail social. Certes, la base de la formation qui y est dispensée et des méthodologies qui y sont appliquées sont bien plus souvent adaptées à une grille de lecture inspirée par la psychologie clinique que par la psychologie cognitive. Ce qui entre en ligne de compte, c’est bien plus l’histoire individuelle ou familiale, les difficultés affectives ou les traumatismes subis par la personne qu’une perception globale du sujet, vécu dans une perspective constructiviste qui intègre le cadre de la relation individu-environnement. Les professionnels ont bien plus l’habitude d’intervenir sur la sphère affective, en se focalisant sur les notions d’écoute, de soutien et d’empathie que de se placer du point de vue des données cognitives en jeu dans les situations problèmes. Ce qui est le plus souvent abordé, ce sont les déficiences, les dysfonctionnements et les incompétences qui freinent la mise en œuvre d’actions aboutissant à la résolution des difficultés. La démarche cognitive consiste plutôt à identifier les connaissances déjà acquises et les aptitudes déjà mises en œuvre. Il s’agit donc bien de repérer ce que les personnes sont déjà en capacité d’accomplir, pour les aider à les transposer et à appliquer dans d’autres domaines, les dispositions déjà acquises par ailleurs. Changement de focale donc qui consiste à fonder l’intervention sociale, non sur un manque mais sur un atout déjà existant pour l’amplifier et l’intensifier.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°717 ■ 15/07/2004