La citoyenneté à l’école
Colette CREMIEUX, Syros, 1998 200p.
L’implication de l’école dans la formation du citoyen est inscrite dans les textes fondateurs. Condorcet en présentant son plan pour l’enseignement gratuit aux lendemains de la révolution de 1789 associe clairement instruction publique et exercice des droits et devoirs du citoyen. Cette éducation civique sera réaffirmée après la défaite de 1870 imputée à la mauvaise préparation patriotique des jeunes. Dès lors, hymne national, chants revanchards et drapeau tricolore seront intégrés au quotidien des écoliers. En 1948, la morale disparaît des programmes. C’est la montée de la violence au début des années 80 qui relance le débat. L’éducation civique est réintroduite en 1985 comme discipline à part entière. L’école se voit chargée de redresser une jeunesse critiquée pour sa perte des valeurs et des règles élémentaires de civilité. Discipline, politesse, habillement, langage ont profondément évolué sans que le système scolaire ne prépare aux rituels et codes d’interaction considérés comme relevant des responsabilités des familles. Et, c’est bien là l’erreur : vouloir charger l’école d’un rôle disciplinaire, de conformation à la morale et au sens de l’effort qu’elle joue déjà ! « Lors d’une étude portant sur des règlements d’usine datant du XIX ème siècle, un élève fit remarquer que ce n’était plus comme cela maintenant … sauf au lycée » (p.57). Le vrai défi que doit relever l’école, c’est bien de faire entrer la citoyenneté en son sein. Car, « actuellement, la citoyenneté s’apprend à l’école, mais ne s’y pratique pas » (p.119). Cela aboutit à une réciprocité des droits entre adultes et enfants (ce qui ne veut pas dire égalité des pouvoirs). Cela signifie que ce qui se passe dans les relations entre professeurs et élèves est aussi important que le contenu des apprentissages. Cela correspond à appliquer les circulaires qui prévoient un projet d’établissement et un projet pour chaque élève, que soient aménagés les clubs scolaires et redynamisée l’action des délégués de classe. Cela implique une réappropriation des lieux : le corps enseignant sortant des murs pour aller à la rencontre de la société et les élèves investissant des locaux scolaires attrayants et fonctionnels.Mais tout cela ne pourra se réaliser qu’à condition que les enseignants remettent en cause leurs habitudes, abandonnent leur toute-puissance, réorganisent leur travail. On ne peut éviter l’évocation du modèle américain où leurs confrères restent présents à l’école au-delà de leurs heures de cours. Ils y font leurs préparations et leurs corrections et sont disponibles pour recevoir les élèves qui le demandent. Mais là, on touche au mammouth, à son immobilisme et à son conservatisme.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°478 ■ 18/03/1999