Surdoués. Mythes et réalités
Ellen WINNER, Aubier, 1997, 456 p.
David apprit à lire en l’espace de 15 jours : il avait 3 ans. Mickaël entra au lycée et passa son BAC quand il eut 15 ans. Peter a commencé à dessiner alors qu’il avait 10 mois ½. Il ne s’est jamais arrêté. A l’âge de 5 ans, sa maîtresse lui fait passer un test : il obtint des résultats du niveau d’un adolescent de 14 ans. A 8 ans, Jacob était capable de reproduire à la guitare rien qu’à l’oreille n’importe quel morceau d’Eric Clapton ou de Jimmy Hendrix. On les appelle les surdoués. Ils développent un don extraordinaire dans un domaine particulier. Ils excellent en mathématiques ou dans le domaine verbal, sont particulièrement doués à jouer d’un instrument de musique ou bien à lire les notes et à composer. Mais, rares sont ceux qui sont polyvalents. Il arrive même parfois qu’ils connaissent des difficultés d’apprentissage par ailleurs. Plusieurs explications ont été émises pour expliquer l’origine de cette extraordinaire faculté. ). Les hypothèses biologiques font état des effets des poussées de testostérone qui après la vingtième semaine de gestation serait à l’origine de l’inhibition de certaines parties postérieures de l’hémisphère gauche du cerveau et en réaction du développement compensatoire d’aires de l’autre hémisphère qui correspondent justement à ces dons. Puis viennent les tenants de l’inné qui rappellent l’étude démontrant comment des familles de prodiges ont engendré pour 36 % une progéniture remarquable (contre 1 pour 400 dans la population ordinaire). S’y opposent les partisans de l’acquis qui soulignent l’importance du rôle joué par l’environnement quand celui-ci est enrichi, quand il se centre sur l’enfant et consacre tout à sa stimulation. Mais l’attitude de la famille peut tout autant provoquer l’aigreur, le découragement et l’abandon des petits surdoués quand la pression se fait excessive, et l’autoritarisme, l’exploitation et le manque d’amour destructeurs. En fait, “ la combinaison heureuse de persévérance obsessionnelle et d’aptitude élevée voilà ce qui conduit à la réussite remarquable de ces individus ” (p.161) Toutefois, leur perfectionnisme et leur acharnement au travail, leur indépendance et leur non-conformisme les poussent à un comportement fréquemment solitaire et introverti. Se pose alors la question de la priorité à donner pour eux à la quête de l’excellence ou à la recherche de l’épanouissement affectif. Que doit-on privilégier pour ces enfants surdoués ? Les intégrer dans un circuit ordinaire au risque de les confronter à l’ennui et à la frustration liés au manque de stimulation. Ou bien les regrouper et leur faire suivre un circuit accéléré, au risque de les priver de leur enfance et de les couper encore plus de leurs pairs ? La question n’est pas anodine : “ au même titre qu’un handicap, le fait d’être surdoué peut conduire à l’inadaptation et à l’isolement social ” (p.25).
Jacques Trémintin - Mai 1998