Le collège au quotidien

Georges FELOUZIS, P.U.F, 1994, 236 p.

Paru en 1994 à partir d’une recherche réalisée en 1989, cet ouvrage est appelé à entrer dans la galerie des classiques de la sociologie. A une époque où le devenir de l’école interroge, Georges Felouzis nous apporte non pas son opinion mais une étude systématique et rigoureuse. Son analyse, il l’a construite à partir d’une enquête portant sur 1250 collégiens de 6ème et de 5ème. Il leur a d’abord soumis un questionnaire se terminant par  une rédaction consacrée à la description de l’école idéale. Puis, il a installé une caméra vidéo dans 55 classes dont il a filmé le déroulement des cours : 700 élèves ont ainsi été observés dans leurs comportements et leurs interactions. La démarche comparative a porté sur l’investissement scolaire des collégiens et collégiennes en fonction de leur milieu d’origine au travers d’un décryptage tant lexicométrique qu’audiovisuel. Car, l’hypothèse de départ n’a guère évolué depuis Baudelot/Establet et Bourdieu/ Passeron : la massification des effectifs n’a en rien effacé les différences de classes sociales. Si, aujourd’hui, la quasi-totalité d’une classe d’âge atteint la 3ème contre moins de la moitié 30 ans auparavant, l’écart entre l’accès au BAC des enfants de cadre et des enfants d’ouvriers est passé de 40,70% en 1962 à 41,5% en 1980 ! 31% des garçons (contre 42% des filles) entrés en 6ème accèdent en terminale, mais seulement 19,6% des fils d’ouvriers (28,7% des filles) et 70% des fils de cadres (81% des filles). Si l’école reste donc bien un lieu de reproduction des inégalités sociales, il y a un autre élément remarquable : la meilleure réussite des filles par rapport aux garçons. “ De l’école dont elles sortent plus souvent ’’à l’heure’’ à l’université où elles obtiennent plus souvent des diplômes, les filles arrivent en tête de la compétition scolaire ”(p.89) (ce qui se traduit paradoxalement par des orientations vers des carrières moins prestigieuses ). L’examen attentif des enregistrements vidéos a permis d’apporter une explication. Un élément de la réussite scolaire semble être la participation active en classe : interaction directe avec le professeur et sociabilité-collaboration avec les pairs. Bien sûr, certaines matières (littéraires) appellent plus des formes de participation, alors que d’autres (scientifiques) demandent plus de concentration. En outre, la dissipation et la fréquence du chahut est inversement proportionnel au degré de prestige social des disciplines enseignées. On a pu constater que la manière de penser et de se comporter se rapportant aux attributs traditionnellement attachés au sexe féminin (stabilité, maîtrise de soi, autonomie…) favorise l’adaptation et les performances en classe. Inversement, l’intériorisation marquée des modèles masculins (notamment en matière de virilité qui induisent plus de l’agitation, du bavardage, de la dispersion) implique une inadéquation aux exigences de l’école. Au travers de nombreux tableaux, l’auteur exploite les résultats obtenus et fonde ainsi ses démonstrations.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°437 ■ 09/04/1998